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Diplomatie navale : escale de l'Auvergne en Indonésie

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© Correspondant Asie du "Fauteuil de Colbert" - DR.
M. Jean-Yves Le Drian, aujourd'hui ministre des Affaires étrangères et européennes, hier ministre de la Défense, participait au 12ème Dialogue du Shangri-La (Singapour) en 2013. À cette occasion, il rappelait que la France est une nation Pacifique et entendait s'intéresser aux équilibres locaux et à la sécurité régionale. Avec un peu plus de 10 000 tonnes de bateaux basés dans la région, à la valeur militaire relative, disons sobrement que la parole de la France n'avait alors pas reçu beaucoup de considération. 

À titre de comparaison, et bien que "comparaison n'est pas raison", il s'agit de considérer quelques chiffres simples : "durant les 10 premiers mois de l’année 2016, 20 nouveaux bâtiments d’un déplacement total de 149 208 tonnes ont été intégré aux forces navales chinoises, et ces chiffres ne sont que de 13 bâtiments et 94 806 tonnes sur la même période en 2017, en baisse de 35 et 36,5% respectivement." Le tonnage de la Marine nationale, en 2016, est de 281 000 tonnes.

Depuis lors, la mission Jeanne d'Arc très régulièrement la zone tandis que en lieu et place des frégates de surveillance, l'État a relevé la présence navale française avec des frégates de premier rang. D'où la mission de l'Auvergne qui tend à se répéter pour la Marine nationale. Quelques clichés de l'escale à Pelabuhan Tanjung perak surabaya (Jamrud Utara).

Le GAn n'a pas fait escale à Singapour et au-delà depuis 2002. 

Il est à remarquer que l'impact dans la sphère médiatique des BPC de la mission Jeanne d'Arc est notable et répercuté dans la presse locale car ces bateaux aux formes de porte-avions et d'un tonnage de 20 000 tonnes impressionnent, encore plus quand ils démontrent qu'ils sont interopérables avec l'US Navy et ses plus proches alliés (Corée du Sud, Japon), notamment via l'exercice Bold Alligator. 

Quelques lectures sur la présente mission :
© Correspondant Asie du "Fauteuil de Colbert" - DR.
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© Correspondant Asie du "Fauteuil de Colbert" - DR.
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Tragédie de l'ARA San Juan

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C'est avec une très grande tristesse que nous apprenons la confirmation du naufrage de l'ARA (Armada de la República Argentina) San Juan (TR1700), l'un des trois sous-marins de la marine argentine. Ils étaient 44  sous-mariniers (cf. infra) - dont la première sous-marinière sud-américaine (Teniente de navío Eliana María Krawczyk) -, en mission de routine comme beaucoup d'autres sous-marins de par le monde. Eu égard à l'ensemble des déclarations données, une hypothèse voudrait que le sous-marin ait été perdu corps et biens le 15 novembre. Sa position reste à déterminer et, en fonction de celle-ci, la visite de l'épave sera très probablement à la portée d'un très faible nombre de nations. 

L'ARA San Juan communique pour la dernière fois mercredi 15 novembre à 7 h 30 (heure locale - 11 h 30 à Paris). Le signal est mauvais et sa localisation s'annonce très compliquée, augmentant d'autant la zone de recherche qui sera, paraît-il, de 500 000 km² soit pratiquement la superficie de la France métropolitaine. La procédure voudrait qu'en cas de perte des moyens de communication le bateau fasse surface, en temps de paix. Par ailleurs, l'ARA San Juan avait signalé lors de cette dernière communication une avarie de batterie. L'un des pires dangers pour un sous-marin. Il naviguait à proximité d’Ushuaïa alors qu'il prenait la route de son son port d’attache de Mar del Plata. La commandant espérait y parvenir le 19 ou le 20 novembre. L'ARA annonce dès le 15 novembre que la communication avec le bateau est perdue. Le 18, sept appels satellitaires vers des bases navales argentines sont interprétés comme une tentative de communication du sous-marin qui pourrait, alors, avoir fait surface. Par la suite, et alors que ces appels ne sont pas reconnus comment pouvant avoir été émis par l'équipage du San Juan, des bruits sont enregistrés et annoncés le 20. L'espoir est relancé mais aussitôt démenti le jour-même. Les réserves d'oxygènes et les capacités de décontamination de l'air sont annoncés pour avoir un effet utile pendant sept jours.

Alors que beaucoup imagine un sous-marin entre deux eaux ou posé sur le fonds dans une atmosphère devenant petit à petit toxique, le sort funeste du sous-marin se fait connaître. Aux environs du 22 novembre, il est officiellement annoncé qu'un "bruit" avait été enregistré trois heures après la perte de contact du 15 novembre, soit vers 10h30 (heure locale, 14h30 à Paris). Qu'un sous-marin militaire ait 30 ou 5 ans, il est conçu dans l'optique de produire le moins possible de bruits rayonnés depuis les équipements internes jusqu'aux pales de l'hélice. C'est pourquoi le triptyque pour chasser un tel bateau est le couple frégate-hélicoptères appuyé, éventuellement, par un avion de patrouille maritime avec sonars remorqué, trempé et de coque à l'appui. En l'espèce, le bruit enregistré l'a été par une station acoustique de la Comprehensive Nuclear-Test-Ban Treaty Organization. Quand un réseau de senseurs de veille servant à la détection d'essais nucléaires parvient à entendre un sous-marin c'est, presque toujours, car sa coque a implosé. C'est un sismographe qui avait enregistré le bruit des implosions des coques des Eurydice et Minerve en France. Au 23 novembre 2017, l'ARA viendrait de confirmer que le "bruit" du 15 novembre était en réalité une explosion et que le sous-marin est perdu corps et biens avec l'ensemble de son équipage.

Une des hypothèses voudrait que la marine argentine avait conscience de la perte du sous-marin comme figure très probable des informations dont elle disposait au 15 novembre quand la routine des rapports du San Juan, deux émissions par jour, s'est interrompue. Il s'agit de bien comprendre qu'il n'est pas possible, en particulier sur le plan humain, d'annoncer à toute une marine, tous les équipages, et derrière, à tout un pays, qu'un bateau est perdu, sans qu'il soit localisé et sans n'avoir rien tenté. Il est alors parfaitement logique que toute la marine soit mobilisée dans des efforts de recherche titanesques, faisant appel, selon les possibilités, à l'aide internationale, afin que tout soit mis au service du moindre espoir. L'annonce de la perte du San Juan intervient une journée entière après l'extinction théorique de la moindre réserve d'oxygène. Il n'était pas concevable de ne pas avoir mis en branle tout ce qu'il était possible de faire et laisser planer le doute qu'une mince occasion ait pu être abandonnée. 

La localisation de l'épave s'annonce être l'un des enjeux. Deux cas se présentent : ou bien le bateau repose sur le plateau continental, ou bien sur le plancher océanique. Il y aurait près de 6000 mètres de différence entre les hypothèses. Dans la première, une capacité de sauvetage de sous-marins tel le NSRS de l'OTAN est capable de plonger jusqu'à 600 mètres, environ, tandis que dans le deuxième il y a relativement peu de nations au monde capable de plonger jusqu'à 6000 mètres et peut-être même plus, c'est-à-dire les États-Unis, la Russie, la Chine, le Japon et la France. 

Qu'a-t-il bien pu se passer ? Le seul élément versé au dossier public est une avarie sur la batterie : il peut tout aussi bien s'agir d'un problème de charge qu'un incendie, dernier cas pouvant conduire, parfois, à une explosion. Il est surprenant que le San Juan n'ait pu faire surface. La consultation de la dernière communication permettra d'apprécier si un incendie était en cours, ou non, et si l'avarie, ou les avaries, peuvent expliquer pourquoi le bateau n'a pu rejoindre la surface alors que les ballasts peuvent être actionnés manuellement. Selon les éléments précités, il ne se déroulerait que trois heures entre une communication de mauvaise qualité et l'explosion enregistrée. Plutôt que l'âge du bateau, il s'agirait alors de questionner l'âge et l'état de la batterie.

L'ARA San Juan rejoint la trop longue liste de sous-marins disparus en temps de paix depuis 1945.


Capitán de fragata Pedro Martín Fernández

Teniente de navío Eliana María Krawczyk
Cabo segundo Fabricio Alejandro Alcaraz
Teniente de navío Fernando Ariel Mendoza
Suboficial primero Hernán Ramón Rodríguez
Cabo principal Mario Armando Toconás
Suboficial segundo Víctor Marcelo Enríquez

Cabo principal Jorge Eduardo Valdez
Cabo principal Hugo Dante César Aramayo
Cabo principal Luis Esteban García
Cabo primero Luis Carlos Nolasco
Cabo primero David Adolfo Melián

Suboficial segundo Cayetano Hipólito Vargas
Teniente de navío Diego Manuel Wagner
Suboficial segundo Roberto Daniel Medina
Suboficial segundo Ricardo Gabriel Alfaro Rodríguez Ramiro Arjona

Cabo principal Jorge Ariel Monzón 
Suboficial principal Javier Alejandro Gallardo
Cabo principal Humberto René Vilte
Capitán de corbeta Jorge Ignacio Bergallo

Teniente de navío Fernando Vicente Villarreal
Teniente de fragata Adrián Zunda Meoqui
Teniente de fragata Juan Gabriel Viana

Suboficial primero Alberto Cipriano Sánchez
Suboficial primero Walter Germán Real 
Suboficial segundo Ramiro Adalberto Pérez
Suboficial segundo Celso Oscar Vallejos
Suboficial segundo Hugo Arnaldo Herrera 
Suboficial segundo Cesar Alberto Figueroa
Suboficial segundo Daniel Adrián Fernández

Cabo principal Cristian David Ibáñez
Cabo principal Franco Javier Espinoza
Cabo principal Jorge Isabelino Ortiz
Cabo primero Germán Oscar Suárez
Cabo primero Daniel Alejandro Polo
Cabo primero Juan del Corazón de Jesús Zuluaga
Cabo primero Leandro Fabián Cisneros
Cabo segundo Anibal Tolaba

Matador : l'alternative française ?

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© US Navy - Lieutenant Commander John Leenhouts. Un AV-8S Matador en vol en avant du porte-aéronefs ADAV/STOVL Dedalo (R01).
Dans la brève du 24 novembre 2017, le rédacteur en chef de la Revue Défense nationale - le colonel Pellistrandi - relève que l'Espagne renonce temporairement au F-35. L'Armada Española tablait sur une commande de 12 à 15 machines pour remplacer les Matador. Il n'existe pas d'alternative au F-35B pour équiper des porte-aéronefs ADAV/STOVL. Néanmoins, par coopérations européennes, il existe une opportunité française afin que l'aéronavale embarquée espagnole perdure.

Dès 1967, l'Armada Española louait le CVL-28 USS Cabot (24 juillet 1943 - 30 août 1967). Re-baptisait Dedalo (30 août 1967 - 1989) en l'honneur de l'ancien bâtiment transport d'hydravions éponyme qui constituait alors sa première capacité aéronavale embarquée. Par la suite, c'est-à-dire en 1973, le navire est définitivement acheté. Servant comme porte-hélicoptères, il est reclassé porte-avions (R01) en 1976 quand l'Espagne s'offre une première commande de AV-8A Sea Harrier - nommés EAV-8A Matador. Huit (1973) puis cinq machines (1980) sont commandées permettant d'atteindre un format plancher de 13 zincs.

L'Amiral Carrero Blanco est appelé aux affaires de l'Espagne en tant que premier ministre et favorise le remplacement du Dedalo (16 000 tonnes) par une unité moderne. Madrid hésite entre les plans de l'Invincible et du PH75 (abandonné par Paris, il deviendra un projet de croiseur porte-hélicoptères puis les NTCD, BIP et BPC) avant de jeter son dévolu sur le Sea Control Ship de l'Amiral Zumwalt. Dès l'entrée en service du Principe de Asturias (17 000 tonnes), le Dedalo est désarmé.

En 1988, Madrid passe une nouvelle commande pour des EAV-8B Matador II, nom local du AV-8B Harrier II. 5 nouvelles machines livrées en 1987-1988 puis huit autres en 1996-1997. Les EAV-8B Matador II bénéficieront d'une modernisation pour parvenir à la version EAV-8B+ Matador II et durer jusqu'en 2020. 13 machines seraient toujours opérationnels.

La cristallisation du format de l'aéronavale espagnole se fait autour de deux caractéristiques non-dépassables en l'état actuel des finances, de l'économie et des difficultés de certains programmes espagnols (en particulier, le cas du S-80). La première de ces caractéristiques est l'entretien d'une grande unité de surface. Le plan Altamar ambitionnait d'offrir un sistership au Principe de Asturias mais il ne pu jamais être financé et cette difficulté perdure jusqu'au lancement du BPE (Buque de Proyección Estratégica) Juan Carlos I (27 000 tonnes). La permanence aéronavale nationale n'est pas à portée (sauf dans un cadre bi-national avec le Cavour de la Marina militare), sauf à consentir à disperser le "groupe aérien embarqué" sur les unités du groupe amphibie espagnol et, donc, d'effectuer les adaptations nécessaires. La deuxième caractéristique, très lourde dans des discussions interarmes et inter-armées, est ce format historique à 13 voilures fixes. 

Dans ce contexte, une commande de F-35B couplée, ou non ?, à celle de l'armée de l'air espagnole peut apparaître comme l'unique moyen de faire perdurer une aéronavale embarquée sur voilures fixes. Le capital opérationnel des Matador II ne peut que s'éroder progressivement et les cellules ont un potentiel limité dans le temps. Aussi, la question suivante demeure : est-ce que le BPE est adapté à la mise en œuvre, notamment le revêtement de son pont d'envol, de F-35B dont la puissance du réacteur est nettement supérieur à celui du Harrier ?

C'est pourquoi il convient d'explorer une alternative au seul achat du F-35. Il s'agit ici d'une délocalisation dans le cadre d'une coopération européenne. Sur les 98 F/A-18 espagnols, 24 ont été acquis auprès de l'US Navy. La proposition tiendrait dans la possibilité d'embarquer une flottille de F/A-18A Hornet espagnols - l'Armada abandonnant ses Matador -à bord du porte-avions Charles de Gaulle. "Je constate que le porte-avions, aujourd’hui unique en Europe est une capacité qui fait la différence, pour reprendre l’expression du Premier ministre Édouard Philippe. C’est une capacité qui peut entraîner nos alliés, notamment nos partenaires européens" déclarait l'Amiral Prazuck, Chef d'État-Major de la Marine nationale (audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, 11 octobre 2017).

Le porte-avions français a été conçu autour de cet appareil que la Marine nationale essayait par deux fois. Il n'y a pas d'incompatibilité technique mais quelques vérifications opérationnelles à effectuer quant au service à la mer de machines qui n'ont plus connu que la terre et de nombreux engagements. Par ailleurs, cela supposerait un programme de formation d'un flux de pilotes espagnols afin qu'ils puissent être qualifiés pour les opérations sur porte-avions CATOBAR. Enfin, cela reviendrait à discuter de l'aménagement des installations aéronautiques du porte-avions Charles de Gaulle afin de pouvoir accueillir et soutenir les aéronefs espagnols.

En échange de quoi, la France pourrait rejoindre la Fuerza Anfibia Hispano Italiana / Forza Anfibia Italo-Spagnola (SIAF), c'est-à-dire la force amphibie italo-espagnole rassemblant les groupes amphibies des deux pays dont les Juan Carlos I et Cavour. Cette force est versée comme battle group.

La France aurait deux jambes en Méditerranée : 
  • la CJEF franco-britannique dont son principal apport français était le porte-avions et sera demain les trois BPC ;
  • la SIAF à laquelle la France contribuerait avec le porte-avions.
L'embarquement d'une flottille espagnole serait l'une des pierres que peut apporter le GAn à la construction de l'Europe de la Défense. Parmi les conséquences pratiques, cela dispenserait la France d'employer tous ses Rafale M à bord pour présenter un GAé étoffé. Par ailleurs, si la problématique de la permanence aéronavale perdure, Madrid n'aurait peut-être pas trop de difficultés diplomatiques puisque hébergeant une partie des infrastructures de la VIe flotte, à bénéficier d'une assistance via l'un des porte-avions américains croisant dans le bassin occidental de la Méditerranée. Par ailleurs, cela faciliterait peut être l'intégration récurrente d'une frégate espagnole au GAn.

BATSIMAR (2008-2017) : fin du programme ?

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© Mer et Marine - Vincent Groizeleau. "La Confiance : A bord du premier patrouilleur léger guyanais" (21 novembre 2016).

Le programme BATSIMAR dont l'objet était la fourniture d'un patrouilleur hauturier unique n'est plus s'il fallait croire les déclarations de l'Amiral Prazuck d'octobre 2017 devant l'Assemblée nationale. La commande du troisième PLG n'était peut-être pas le facteur décisif de l'abandon du programme tel que conçu en 2008. Il est peut-être le premier d'une série aussi importante que les P400, ou "Super-PATRA"comme nous le pressentions fin septembre 2017. Demeure en suspend la satisfaction des besoins de surveillance océanique dans les zones les plus reculées de l'Archipel France dans un cadre où ce "Super BATSIMAR" recoupe partiellement le remplacement des frégates de surveillance et, peut-être, de toute ou partie des FLF, soit les frégates de deuxième rang.

L'Amiral Prazuck (13 juillet 2016 - ...), Chef d'État-Major de la Marine (CEMM), déclarait qu'"après plusieurs années de bataille pour avoir des BATSIMAR outre-mer, j’ai proposé de différencier ce programme. J’avais initialement l’intention de remplacer les patrouilleurs métropolitains et les patrouilleurs outre-mer par une même classe de bateau. Je n’y parviens pas. Ce serait trop cher, me dit-on. Je propose donc de déployer outre-mer des bateaux deux à trois fois moins chers, pour les avoir plus vite." (audition devant la commission de la Défense et des forces armées, 11 octobre 2017).

Le Sénat résumait l'ensemble des caractéristiques, très grossièrement, visées dans le programme BATSIMAR. C'est en tous les cas la seule occurrence publiquement disponible de son apparition : 

« La Marine Nationale dispose actuellement d'une vingtaine de patrouilleurs répartis pour moitié en métropole et outre-mer. Agés pour la plupart de plus de vingt ans, ils seront remplacés à terme par un bâtiment de surveillance et d'intervention unique «BATSIMAR» devrait commencer en 2012.
 
« Pour tenir compte de la nature des missions (lutte contre les trafics, police des pêche, lutte contre la pollution, secours maritimes), des besoins croissants de surveillance et d'intervention dans les zones exclusives économiques (ZEE) , de la nécessité d'agir souvent loin de nos côtes, le plus en amont possible des menaces et de s'affranchir au mieux des contraintes météorologiques , qui limitent l'action des petits bâtiments, la marine a exprimé le besoin d'un bâtiment de haute mer, endurant et autonome , capable d'une vitesse de transit suffisante, apte à accueillir des commandos et à mettre en oeuvre les moyens habituels d'intervention (hélicoptère ou drone et drome).
 
« Pour satisfaire ces exigences, ces bâtiments devraient déplacer environ 1000 tonnes, ce qui est sensiblement supérieur à la plupart des patrouilleurs actuels et comparable avec les avisos A69 en service. Ceux-ci, après une réduction de leurs capacités militaires, pourront être utilisés comme bâtiment de sauvegarde maritime en attendant la livraison des BATSIMAR.
 
« Ces bâtiments seront équipés d'un système d'armes peu sophistiqué, réduit à un canon de petit calibre et d'un système de détection simplifié ce qui baissera sérieusement son coût d'acquisition.

Projet de loi de finances pour 2009, Sénat, commission des finances, 2008.

Par ailleurs, c'est rationalisation de la Flotte en un faible nombre de classes de bateaux dans la plus pure tradition de l'orthodoxie navale ne rencontre pas que des échos favorables dans la Marine nationale, en particulier au sujet du renouvellement de la "poussière navale" dédiée aux missions de sauvegarde maritime. "Je me bats tous les jours contre mon état-major sur ce dossier"déclarait l'Amiral Forissier, alors CEMM (4 février 2008 - 11 septembre 2011), au mois de novembre 2010. Il était soutenu par l'Amiral Guillaud, alors Chef d'État-Major des Armées (CEMA). Le CEMM défendait autant la différenciation des besoins entre les différentes façades maritimes de l'Archipel France tout en demande une territorialisation de ceux-ci afin que le MCO puisse être régionalisé et, ainsi, espérer s'appuyer sur les circuits industriels locaux. 

L'État-Major de la Marine (EMM) cède partiellement en lançant successivement les programmes B2M (2011), BSAH (2010) et PLV (ex-B3M (2011). S'il ne s'agissait pas, stricto sensu, de programmes détachés de BATSIMAR, ils avalisaient que le remplacement des unités logistiques ne procédaient pas des mêmes besoins en métropole et en outre-mer (B2M/BSAH). Par ailleurs, cette déclaration de l'Amiral Prazuck - "J’avais initialement l’intention de remplacer les patrouilleurs métropolitains et les patrouilleurs outre-mer par une même classe de bateau. Je n’y parviens pas" - répond directement au propos de l'Amiral Forissier qui excluait une série unique.

L'Amiral Prazuck affirme "je suis donc prêt à échanger du niveau de spécification contre un raccourcissement des délais. J’espère que cela va fonctionner. Ce sera l’un des objets du prochain conseil interministériel de la mer." La "frégate du quatrième rang" (octobre 2016) ici proposée procédait du même choix. En ce sens que cela revient à faire une croix sur une partie des caractéristiques nautiques et des capacités opérationnelles afin de disposer de nouveaux bateaux rapidement. Ils ne seraient que des navires de présence aptes à la patrouille des zones économiques exclusives et à contrôler les navires suspectés d'action illégale. La vitesse serait faible, au maximum de 15 nœuds aux essais. L'autonomie serait juste suffisante pour la zone. Les installations aéronautiques seraient limitées à une plage hélicoptère et un hangar multifonction permettant l'embarquement de drones et non pas d'un hélicoptère. L'armement se composerait d'une pièce principale sous la forme d'une tourelle téléopérée avec un canon de 20 mm et quelques mitrailleuses en 12,7 et 7,62. Une drome pourrait être mise en œuvre sous bossoir et/ou par rampe arrière.

Envers et contre tout en 2010, l'Amiral Forissier aura eu le dernier mot sept années plus tard. Entre l'orthodoxie navale et le cheminement de la décision politique dans le cadre des contingences budgétaires, il y a tout lieu de s'interroger sur le coût de ce retard et sur la faisabilité de BATSIMAR depuis 2010. L'Adroit (1500 tonnes), reconnu comme trop coûteux, serait donné pour 50 millions d'euros l'unité tandis qu'il faudrait tabler pour 24 millions pour un PLG (700 tonnes), voire plutôt 17 millions après avoir retranché les frais des études et le contrat de MCO. "

Mer et Marine avance que, selon ses sources, le ministère de la Défense pourrait inclure dans la future Loi de Programmation Militaire, environ, six PLG supplémentaires dans une sous-classe moins spécifique à la Guyane. Selon Vincent Groizeleau (M&M), les besoins les plus urgents consisteraient dans le remplacement de l'Arago (RSA en 2019), des P400 La Gracieuse et La Moqueuse (2020), des avisos Commandant L'Herminier et Lieutenant Lavallée (2018) et Lieutenant de Vaisseau Le Hénaff (2020). Par ailleurs, ajoutons à cette liste que la Marine nationale a aussi à sa charge le remplacement des Patrouilleurs Côtiers de Gendarmerie. Et aura peut-être à sa charge le remplacement de quelques moyens nautiques des Douanes et des Affaires maritimes eu égard à la logique de la nouvelle division du travail issue des programmes inter-ministériels dans les bâtiments hydrographiques et polaire. 

Sur le besoin de 18 BATSIMAR exprimé par l'Amiral Prazuck (1 frégate, deux patrouilleurs et une unité logistique par façade maritime), 9 unités pourraient être disponibles assez rapidement dans la mesure où les deux premières sont en service alors qu'une troisième est commandée et qu'une sous-classe de six unités serait en passe d'être inscrite dans la future LPM. Le premier avatar du programme BATSIMAR (2008-2017) n'est plus sans que toute la cible soit entièrement satisfaite.
 
Ces futurs "BATISO" (BATiment d'Intervention et de Surveillance Océanique) sont probablement renvoyés à la LPM (2026-2031) au cours de laquelle les frégates de surveillance seront à remplacer et que, très probablement, deux à trois FLF auront été versées à la sauvegarde maritime entre temps. Autant de bateaux qui ne sont pas visés par le programme BATSIMAR qui, depuis 2008, distingue bien "patrouilleurs" et "frégates". Un terme sur lequel les amiraux Rogel (12 septembre 2011 - 12 juillet 2016) et Prazuck (13 juillet 2016 - ...), comme CEMM, ont particulièrement insisté. L'Amiral Rogel demandant presque explicitement des frégates construites aux normes militaires.

Diplomatie navale : escale du Forbin à Saint-Pierre-et-Miquelon

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© Frédéric DOTTE - DR.
Les 19 et 20 novembre 2017 la Frégate de Défense Aérienne (FDA) Forbin de la Marine nationale faisait escale à Saint-Pierre-et-Miquelon après sa visite à Québec. La Marine nationale est présente dans l'archipel via le Patrouilleur de Service Public Fulmar dont la question du remplacement est pendante (BATSIMAR : PLG ?).


Elle n'est pas un cas isolé mais la preuve d'une présence navale marquée dans cette marche ancrée autant face à l'Amérique du Nord que le cercle polaire et les enjeux politico-militaires et politico-économiques renfermés en son sein. Par exemple, le bâtiment hydrographique Laplace menait une campagne de trois mois dans le milieu de l'année 2014 depuis Saint-Pierre-et-Miquelon afin de mettre à jour les cartes marines avec de nouveaux relevés, ceux servant de référence datait de 1958. En 2014, aussi, les Mistral et La Fayette faisaient une brève escale. Le Monge suivant en 2016.

C'est pourquoi la problématique mériterait d'être posée quant à la présence navale française autour de cette marche et si cette dernière pouvait servir comme tremplin aux opérations dans le Grand Nord, une région bien plus fréquentée ces dernières années que par le "passé" (1990-2010). Dans cette perspective, les missions relèvent, par exemple, de la fonction stratégique connaissance et anticipation tandis que la VMF est de plus en plus active jusqu'aux tanières de deux dissuasions océaniques européennes et alors qu'elle va admettre un certain nombre de nouveaux sous-marins, en particulier à propulsion nucléaire, et dont trois unités sont spécialement aménagés pour les opérations spéciales sous-marines. Cela revient à question l'apport de la France à la construction d'un équilibre régional dans l'ensemble des organisations, dont l'OTAN, où nous sommes engagés.

C'est pourquoi, in fine, la question des moyens sera irrémédiablement posée car cette présence accrue a tendance à prendre la forme d'une mission navale permanente, tout du moins, d'une présence quasi-continue alors qu'il est question de renouveler les moyens navals dédiés à cette zone. Autrement dit, faudrait-il accorder à Saint-Pierre-et-Miquelon le statut naval de façade maritime de l'Archipel France et donc renforcer les moyens locaux, limités ici à un patrouilleur ? Des ajustement légers peuvent aider, à budget constant, explorer de nouvelles facettes de la zone comme, par exemple, l'intégration de moyens ASM légers à bord d'un patrouilleur.

© Frédéric DOTTE - DR.
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Quelques idées saugrenues sur les finances de la Défense (2)

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© DCNS - H. SIMON. Le SNA Rubis sortant du bassin 8 (Brest), vendredi dernier.

Pierre-François Forissier - voir l'entretien qu'il nous avait accordé - inaugurait une chronique au sujet de la rencontre entre les outils législatif, budgétaire et financier dans l'optique de construire l'outil naval dans le temps long. L'objectif est de présenter les enjeux de l'application intégrale de la "LOLF" et de ses conséquences afférentes. Le premier billet introduisait le propos. 
 
La Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF) est depuis 2006 le cadre dans lequel s’exerce la gestion financière de l’État.
 
Schématiquement il s’est agi de passer d’une comptabilité de caisse à une comptabilité de bilan.
 
L’ensemble des administrations a fait un gros travail d’adaptation et aujourd’hui de nombreuses données sont disponibles mais ne sont encore pas assez bien exploitées.
 
Concernant la Défense, le Ministère publie chaque année son annuaire statistique :
 
On y trouve les principales données budgétaires et comptables. Le document 2016 dont des extraits figurent en annexe permet de faire les observations suivantes : 
  1. Le bilan est présenté de façon incomplète puisque les valeurs de l’actif et du passif ne sont pas identiques.
  2. Même si la comptabilité analytique au sein du ministère de la Défense est encore assez embryonnaire, il est possible d’obtenir des données exploitables.
  3. Les matériels militaires représentent au 31/12/2015 28 % des actifs du ministère. Il serait intéressant de tenir compte de cette valeur lors de l’établissement des arbitrages budgétaires qui sont généralement faits au détriment des volumes d’équipements sans tenir compte du poids important des autres postes du bilan.
  4. La liste des équipements est établie par grandes catégories de matériels. Même si aujourd’hui la gestion de leur approvisionnement au sein du programme 146 est fait globalement en inter-armées il serait intéressant de faire le bilan par armée afin de pouvoir mieux éclairer les choix de répartition des matériels entre les armées. Par exemple les aéronefs apparaissent globalement sans qu’il soit possible de visualiser ce qu’ils représentent au sein de chaque armée.
  5. Les stocks représentent une part très importante des actifs (25 % au 31/12/2015). Une répartition est présentée en grandes masses et permet de constater que les pièces de rechanges représentent 60 % des stocks soit 15 % de l’ensemble des actifs. Ce chiffre à lui seul justifierait que le MCO soit inscrit au titre V [NDLR : dépenses d'investissement] et non au titre III [NDLR : dépenses de fonctionnement]. Par ailleurs cette valeur devrait être mise en perspective pour élaborer le budget du MCO.
On peut donc dire que le bilan de la Défense pourrait potentiellement être un outil d’analyse et de prévision budgétaire s’il était davantage détaillé, ce qui ne devrait pas être difficile car la remontée des chiffres existe bel et bien pour élaborer ceux qui sont présentés.

Dans son état actuel il permet déjà de voir qu’il n’est pas encore suffisamment utilisé pour la construction budgétaire qui se fait encore à l’ancienne en additionnant les expressions de besoin émanant des services dépensiers sans véritable mise en perspective.

Une publication plus détaillée, rendant compte en particulier de la ventilation par armée constituerait un outil très pertinent pour éclairer les décisions budgétaires et pour apprécier la qualité d’exécution de la Loi de Finances Initiale (LFI).

Il est en effet très dommage que le Ministère de la Défense continue, plus de 10 ans après la mise en œuvre de la LOLF, a focaliser sa communication financière sur la LFI. Comme on peut le voir des éléments de bilan très intéressants sont cependant diffusés mais ils ne constituent pas encore le cœur des préoccupations des responsables notamment lors de la construction du budget qui se fait encore à l’ancienne.

Attendons avec impatience le jour, où comme tous les chefs d’entreprises, le Ministre et les Chefs d’Etat-Major présenteront et commenteront leur bilan afin qu’ils soient jugés véritablement sur leur gestion et pas sur l’image plus ou moins exacte qu’ils projettent d’eux-mêmes.


Annexe 1

          2.1.1 Le budget de la défense


Troisième budget de l’État (derrière l’Éducation natio-nale et le service de la dette) avec 34,8 Md€ en loi de finances initiale 2016 (hors pensions, y compris anciens combattants), le ministère de la Défense se distingue des autres missions du budget général par le montant annuel qu’il réserve aux dépenses d’investissement (titre 5), mais également par l’adoption d’une Loi de programmation militaire (LPM). Pluriannuelle, celle-ci permet l’établissement d’une trajectoire à long terme de l’utilisation des crédits de la mission « Défense ».
La mission « Défense » (32 Md€ soit 92 % du bud-get total du ministère de la Défense) regroupe les programmes directement liés aux activités opérationnelles et à leur soutien.
L’environnement et la prospective de la politique de défense (1,3 Md€, soit 4 % de la mission « Défense ») - P 144
Les actions de ce programme contribuent à éclairer le ministère sur son environnement présent et futur afin d’élaborer et conduire la politique de défense de la France.
L’équipement des forces (10 Md€, soit 31 %) – P 146
Programme cogéré par le CEMA (Chef d’état-major des armées) et le DGA (Délégué général pour l’armement), il a pour but de permettre aux armées de disposer des matériels indispensables à la réalisation de leurs missions.
La préparation et l’emploi des forces (7,3 Md€, soit 23 %) - P 178
Le programme 178 est organisé de manière à pouvoir répondre efficacement et rapidement aux crises pouvant affecter la France, sur son territoire et à l’étranger. Parmi ses priorités, pour 2016, on retrouve notamment :
- adapter la posture opérationnelle à la lutte contre le terrorisme djihadiste, à l’extérieur comme à l’intérieur du territoire national ;
- accompagner la montée en puissance de la force opérationnelle terrestre pour exécuter l’opération « Sentinelle » dans la durée ;

- assurer la cohérence organique et opérationnelle des armées, directions et services.
Le soutien de la politique de la défense (13,5 Md€, soit 42 %) - P 212
Comme son nom l’indique, le programme 212 est en charge de toutes les fonctions de soutien du ministère de la Défense.
Ce programme regroupe également l’ensemble des crédits de titre 2 (masse salariale) relatifs aux personnels du ministère (11,1 Md€ hors pensions).
Sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » (180 M€, soit 1 % du budget total), seul le programme 191 « recherche duale (civile et militaire) » dépend du ministère de la Défense.
La recherche duale (civile et militaire) (180 M€) - P 191
Ce programme, qui s’inscrit dans le champ de la politique de recherche menée par l’État, concerne des domaines de recherche dont les applications sont à la fois civiles et militaires. Il vise à maximiser les retombées civiles de la recherche de défense et, inversement, à faire bénéficier la défense des avancées de la recherche civile.
Enfin, sur les trois programmes composant la mission « Anciens combattants » (2,5 Md€, soit 7 % du budget total), deux sont rattachés au ministère :
Les liens entre la Nation et son armée (38 M€, soit 2 % de la mission « Anciens combattants ») - P 167
Ce programme regroupe les politiques concourant à la diffusion de l’esprit de défense au sein de la société civile et à la relation entre la Nation et les forces armées. Il vise l’ensemble de la population et plus particulièrement les jeunes générations.
La reconnaissance et la réparation en faveur du monde combattant (2,5 Md€, soit 98 %) - P 169
Le programme 169 retrace l’ensemble des actions et interventions réalisées au profit du monde combattant et des victimes de guerre, destinées à témoigner de la reconnaissance de la Nation à leur égard.


Définitions :

La Loi organique relative aux lois de finances (Lolf) du 1er août 2001 réforme en profondeur la gestion de l’État. Elle est entrée en vigueur par étapes et s’applique à toute l’administration depuis le premier janvier 2006. La Lolf consiste en une nouvelle architecture du budget général de l’État, non plus définie par ministère mais par mission, programme et action. Une mission peut concerner un ou plusieurs ministères. Un programme est un regroupement de moyens d’une politique publique : elle est conduite par un ministère selon une stratégie définie. Une action identifie les moyens et modes d’action des acteurs d’un programme.

La Loi de finances initiale (LFI) est la loi qui prévoit et autorise, pour chaque année civile, l’ensemble des ressources et des charges de l’État. Le Projet de loi de finances (PLF), qui doit être voté avant le début de l’année à laquelle il se rapporte, comprend deux parties distinctes : il autorise la perception des ressources publiques et comporte les voies et moyens qui assurent l’équilibre financier. Cette partie s’achève par l’article d’équilibre ; ensuite, il fixe pour le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux, le montant des crédits des programmes ou des dotations, en Autorisations d’engagement (AE) et en Crédits de paiement (CP) en précisant, le cas échéant, le montant limitatif de leurs dépenses de personnel.

Pour en savoir plus :

Annexe 2

          2.1.2 Les principales données comptables


Au 31 décembre 2015, les actifs du ministère de la Défense s’élèvent à 129 Md€ en valeur nette. Ils sont quasiment stables depuis 3 ans.
Les immobilisations incorporelles du ministère de la Défense comportent principalement les investissements de développement des matériels militaires et les logiciels produits en interne.
Les développements militaires concernent la mise au point et la production des matériels d’armement. Au cours de ces dernières années, les principaux développements concernent le Rafale, la famille de systèmes sol-air futurs (FSAF), les hélicoptères FENNEC, CARACAL, TIGRE et CAIMAN-NH90, les missiles MISTRAL, ASMPA, METEOR et M51, le réseau intranet de la force aéronavale RIFAN 2, les frégates multimissions FREMM et le sous-marin d’attaque du futur Barracuda.
Enfin, l’augmentation constatée sur les encours (+ 28 % par rapport à 2014) provient des développements militaires concernant les Barracuda et des missiles.
Les immobilisations corporelles comprennent prin-cipalement les terrains et constructions, et les matériels techniques et militaires.
La valeur du parc immobilier s’établit à 18,4 Md€. L’année 2015 a été particulièrement marquée par la mise en service du site de Balard.
Les biens à caractère spécifique sont évalués à une valeur forfaitaire ou à l’euro symbolique. Il en est ainsi des biens
arsenaux nucléaires, les bases aériennes à vocation nucléaire (BAVN), les dépôts pétroliers du service des essences des armées (SEA), certains centres d’expertises et d’essais, etc.
Les mises en service de matériels entrant dans la catégorie des immobilisations corporelles concernent en 2015 notamment la FREMM Provence (558 M€), six Rafale (386 M€) et un A400M (136 M€).
Les principales sorties sont liées à la cession au Brésil du TCD Siroco (261 M€) et les retraits de service de la FASM Dupleix (116 M€), de quatre Transall (165 M€) et de quatre SEM (138 M€).
Les stocks militaires représentent à eux seuls plus de 98% du montant de la valeur nette comptable des stocks de l’État. Ils sont constitués des pièces de rechange nécessaires au maintien en condition opérationnelle des équipements militaires (23,8 Md€), des munitions, missiles et artifices (5,6 Md€) et d’autres matières et fournitures consommables (4,3 Md€).
La valeur nette des stocks du ministère au 31 décembre 2015 diminue de 0,4 Md€ par rapport à 2014. Cette diminution provient essentiellement de la comptabilisation d’une dépréciation sur les stocks immobiles (stocks non mouvementés depuis plusieurs années) de la Structure Intégrée du Maintien en condition opérationnelle des Matériels Terrestres (SIMMT).



Définitions :

Les immobilisations incorporelles sont des actifs non monétaires identifiables, sans substance physique, qui sont contrôlés par l’État du fait d’éléments passés et dont il attend des avantages économiques futurs.

Les immobilisations corporelles correspondent aux actifs physiques identifiables dont l’utilisation s’étend sur plus d’un exercice et ayant une valeur économique positive pour l’État.

Les biens spécifiques aux missions et activités de l’État n’ont pas d’équivalent sur le marché. Ils ne peuvent être reconvertis à des usages banalisés qu’au prix de très lourds travaux.

FREMM : Frégate multimissions

Barracuda : Catégorie de sous-marin

TCD : Transport de chaland de débarquement

FASM : Frégate anti-sous-marine

SEM : Super-Étendard modernisé

Les stocks sont constitués de produits finis ou en cours de production fabriqués par l’État ainsi que de matières premières et fournitures qu’il acquiert afin de les faire entrer dans un processus de production ou pour les utiliser dans le cadre de ses activités.

Annexe 3

          1. Bilan des actifs et passifs du ministère de la Défense



BILAN DE CLÔTURE AU 31 DÉCEMBRE 2015

BILAN DE CLÔTURE AU 31 DÉCEMBRE 2014
31/12/ 2013
31/12/ 2012
ACTIF (1)
VALEUR BRUTE
AMORTISSEMENT ET DÉPRÉCIA- TIONS
VALEUR NETTE
VALEUR BRUTE
AMORTIS- SEMENT ET DÉPRÉCIA- TIONS
VALEUR NETTE
VALEUR NETTE
VALEUR NETTE
IMMOBILISATIONS INCORPORELLES
33 558          
-16 415  
17 143  
32 639 
-15 001  
17 638  
19 024
20 068
- DÉVELOPPEMENTS MILITAIRES QUALIFIÉS                     
26 557
-15 690
10 868
26 851
-14 410
12 441
13 140
13 692 
- DÉVELOPPEMENTS MILITAIRES EN COURS     
4 827
-
4 827
3 766
-
3 766
4 484
 6 025
IMMOBILISATIONS CORPORELLES                   
131 451
-52 291
 79 159
127 690
-49 473
78 217
80 161
79 981
- PARC IMMOBILIER           
16 565

16 565
15 427
 -12
15 415
15 456
15 986
- MATÉRIEL TECHNIQUE, INDUSTRIEL ET OUTILLAGE         
5 168
-3 913
1 255
5 097
 -3 742 
 1 355
1 466
 1 480 
- MATÉRIELS MILITAIRES                    
82 848
-46 286
 36 562
  81 125
-43 731
37 394
39 048
37 798
- MATÉRIELS MILITAIRES ET AUTRES IMMOBILISATIONS CORPORELLES EN COURS                    
22 324
-
22 324
21 312
-
21 312
 20 619
 19 916
STOCKS                    
39 538
 -6 810
32 728
 39 428
 -6 260
 33 168
30 573
30 202
CUMUL                     
204 547
 -75 516
129 031
199 757
-70 734
129 023
129 758
130 251
(1) : hors comptes de commerce

           2. Composition des stocks au 31 décembre 2015


31 DÉC. 2015
 31 DÉC. 2014

VALEUR BRUTE
DÉPRÉCIATIONS
VALEUR NETTE COMPTABLE
VALEUR BRUTE
DÉPRÉCIATIONS
VALEUR NETTE COMPTABLE
FOURNITURES CONSOMMABLES              
4 613,49
-974
3 640
4 850,89 
-705,16
4 146
PIÈCES DE RECHANGE               
23 852,89
 -3 925
19 928
23 366,31
-3 477
19 889
MUNITIONS, MISSILES ET ARTIFICES                
8 654,40
-1 671
6 984
9 061,33
-1 760
7 302
AUTRES              
2 417,12
-240
 2 177
2 148,72
 -319
1 830 
 TOTAL               
39 538
 -6 810
32 728
 39 427
-6 261
33 166 

           3. Équipement militaire au 31 décembre 2015

2015
2014

VALEUR BRUTE
EN %
VALEUR BRUTE
EN %
AÉRONEFS     
29 330
35 %
28 921
36 %
 1 %
SOUS-MARINS    
10 724
13 %
10 709
13 %
  0 %
BÂTIMENTS DE SURFACE      
11 414
14 %
11 236
14 %
2 %
VÉHICULES ET ENGINS TERRESTRES     
11 176
13 %
11 034
14 %
 1 %
SATELLITES ET ENGINS SPATIAUX     
1 907
 2 %
 1 907
2 %
0 %
MISSILES STRATÉGIQUES      
3 996
5 %
4 050
 5 %
-1 %
SIC       
4 991
6 %
4 862
6 %
3 %
AUTRES      
9 311
11 %
8 406
10 %
11 %
TOTAL      
82 848
 100 %
81 126
100 %
2 %

Les deux SLAMF d'une même pièce

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© Michel FLOCH. Le Sterenn Du.
Le SLAMF (Système de Lutte Anti-Mines du Futur) / MCMM (Maritime Mine Counter Measures) est l'un des plus discrets de tous les programmes navals. Capacité indispensable pour la sécurisation des approches au profit tant de la dissuasion océanique que des bases navales, ports français ou des pays alliés et partenaires. Les capacités de guerre mines servent, aussi, à sécuriser les routes maritimes : exemple type de l'opération Herakles (2001-2002) où les Chasseurs de Mines Tripartites (CMT) parviennent les premiers à Djibouti, devançant le GAn en route pour le Nord de l'Océan Indien et les opérations au-dessus de l'Afghanistan. Une capacité opérationnelle que place au premier plan la Revue stratégique pour la Défense et la Sécurité nationale, alertant sur la menace persistante et évolutive des mines, demandant le renouvellement des moyens de guerres des mines en mer. Où en est le programme SLAMF ?

Le principe d'un programme des Chasseurs de Mines Tripartites (CMT) est décidé en 1973. En février 1974, l'accord est passé entre la Belgique, la France et la Hollande. Un programme militaire est élaboré sur cette base en décembre 1974. Les 35 unités sont construites pendant les années 1980 entre la Belgique (10 CMT), la France (10 - Eridan, Cassiopée, Andromède, Pégase, Orion, Croix du Sud, L'Aigle, Lyre, Persée (retiré du service en 2009) et Sagittaire) et la Hollande (15) dans chacun des trois pays. La production d'une grande partie des composants est mise en commun : la Belgique fournissait les équipements électroniques, les Pays-Bas la propulsion et la France l'équipement de chasse des mines. La bonne entente entre les pays participants perdure jusqu'en 2005 quant une même modernisation est menée en commun.

Les CMT sont réputés pour être des bateaux aussi coûteux au mètre de coque que les SNLE (Sous-marins Nucléaires Lanceur d'Engins) dans la Marine nationale. Ils remplacement les chasseurs de mines des classes Dompaire (5) et Cybele (5) en France, ces derniers remplaçant, eux-même, les 62 dragueurs-côtiers du type Sirius admis au service actif entre 1952 et 1958.

Par ailleurs, les restrictions budgétaires de la fin des années 1980 et du tout début des années 1990 conduisent à l'abandon de la construction des Bâtiment Anti-Mines Océanique (BAMO) de classe Narvik en 1991. Ils devaient prendre la suite des 15 DO acquis auprès des États-Unis d'Amérique et admis au service actif en 1953. Les six BAMO (Narvik, Autun, Bir-Hakeim, Colmar, Garigliano et Berlaimont) devaient reprendre les noms d'anciens DO. Deux dépenses sont consenties pour conserver la cohérence des capacités de guerre des mines, suite au au désarmement des DO et l'abandon des BAMO : les trois Bâtiments Remorqueurs de Sonar (BRS) Antarès, Altaïr et Aldébaran sont mis sur cale et admis au service actif entre 1992 et 1995. Presque simultanément, trois CMT (Verseau (retiré du service en 2010), Céphée et Capricorne) sont achetés en 1993 à la Belgique qui s'en séparait.

La lutte contre les mines bascule alors de la drague mécanique opérée via des plateformes côtières et océaniques à des chasseurs de mines dotés de moyens télé-opérés tels que les Poissons Auto-Propulsés (PAP) car la seule drague ne suffit plus en raison de la sophistication progressive des mines qui impose d'en éloigner les dragueurs devenus "chasseurs". L'évolution des moyens employés n'efface pas la distinction entre ceux dédiés à l'action côtière et ceux opérant dans les zones océaniques car les chasseurs de mines opèrent jusqu'à 80 mètres de fonds pour les CMT tandis que les BAMO devaient opérer entre les 80 et 300 mètres.

Ce n'est qu'à partir, probablement, du début des années 2000 que l'architecture du programme SLAMF est progressivement esquissé jusqu'à sa formalisation précise en 2008. Ce programme global et cohérent ambitionne de remplacer toutes les capacités de guerre des mines françaises, soit les CMT, BBPD (Bâtiment-Bases des Plongeurs-Démineurs) et BRS - moins les bâtiments de soutien comme les BSM (Bâtiments de Soutien Mobiles) - entre 2010 et 2021. Ce calendrier sera bousculé tant en raison des restrictions budgétaires décidées dans le cadre des livres blancs de 2008 et 2013 qu'en raison de la coopération bilatérale avec Londres. Ces deux démonstrateurs technologiques correspondent à une transposition de l'expérimentation franco-française dans un partenariat binational avec une nouvelle répartition industrielle et le passage au stade du prototype : deux SLAMF d'une même pièce.

Le SLAMF est constitué de trois grandes parties :
  • le remplacement des CMT par des "bateaux-mères",
  • les BBPD-NG succédant aux quatre BBPD (Vulcain, Styx, Pluton et Achéron) et à la Thétis (9 novembre 1988 - ),
  • la conception du SEGDM.
La sophistication continue des mines sous-marines - celles à enfouissement, celles à détection de senseurs de recherche - tout comme l'efficacité continue des mines à orin - débarquement de l'US Navy empêché au Koweit en 1991 - invitent impérieusement à remplacer et moderniser les moyens de guerre des mines. Sur les 700 000 mines historiques, seulement 20% auraient été traitées et neutralisées. Les programmes d'EMR (Énergies Marines Renouvelables) accroissent les demandes de sécurisation de sites d'installations de telles infrastructures, augmentant d'autant l'activité du groupe de guerre des mines.

La capacité novatrice et centrale du programme SLAMF consiste dans la succession des chasseurs de mines. Un bateau-mère déploie des drones de surface (USV (Unmanned Surface Vehicle), eux-mêmes porteurs de drones, qui s'approcheraient de la zone à blanchir où ils déploieraient des sonars remorqués et deux types de drones sous-marins de type AUV (Autonomous Underwater Vehicle) qui sont pensés comme devant être plus autonomes que de simples UUV (Untethered Underwater Vehicle), c'est-à-dire possédant une capacité de décision, mais en conservant des moyens de communication acoustiques pour les phases de récupération. Le premier des deux AUV sert pour la Détection, la Classification et la Localisation (AUV DCL), l'autre pour l'identification, voire la destruction. L'USV devrait pouvoir agir sous contrôle à, environ, 20 nautiques du bâtiment tandis que la liaison entretenue avec ses AUV porteraient jusqu'à 10 nautiques. Le tout permettant d'éloigner le chasseur de mines devenu bâtiment-porteur de près de 30 nautiques aussi bien de la côté, et donc des senseurs adverses que des mines.

Un Programme d'Études Amont (PEA) dénommé Espadon est lancé à partir de l'année 2009 afin de démontrer la faisabilité de l'architecture de cette capacité centrale. DCNS (aujourd'hui Naval group), Thales et ECA sont associés sous la direction de la DGA. L'USV est le drone de surface Sterenn du ("étoile noire", en breton). Catamaran de 25 mètres de longueur pour 7,5 au maître-bau pour un tonnage d'environ 25 tonnes.
Il porte deux AUV et un sonar remorqué T-SAS de Thales. Le A27 d'ECA - soit l'AUV DCL - dispose d'un sonar latéral SAMDIS de Thales et peut plonger à 300 mètres pour une autonomie de 30 heures. L' AUV I est dérivé de l'A18 Twin dotés de moyens vidéo et d'un sonar d'identification.
L'expérimentation menée depuis 2010 avec la mise à l'eau du Sterenn du s'achevait officiellement en juin 2016. La mise en œuvre des trois composants jusqu'à un état de mer 4 a été un succès et permettait de démontrer la faisabilité de l'architecture retenue en 2008. Les composants du PEA Espadon continuent à servir pour les travaux de la DGA. L'USV Sterenn du bénéficie même d'un entretien d'un mois à partir de novembre 2017.

Le traité de Londres ou accords de Lancaster house (2 novembre 2010) sanctionne la volonté franco-britannique de joindre les efforts des deux pays quant au remplacement des chasseurs de mines des Marine nationale et Royal navy. Le sommet franco-britannique du 31 janvier 2014 accouche d'un arrangement-cadre permettant le développement d'un prototype de drones de surface et sous-marins. Le MCMM (Maritime Mine Counter Measures) - partage à 50-50 - doit abonder les programmes SLAMF (Marine nationale, remplacement des CMT) et MCH (Mine Countermeasures and Hydrographic Capability - Royal navy, remplacement des Hunt (8/9), Sandown (7/9) et des navires hydrographiques).

Ce programme est conçu autour de trois phases :

La phase 1 débute par l'étude notifiée le 27 mars 2015 par l'OCCAR (au nom de la DGA et du DE&S) aux industriels. D'une durée de deux années et d'un coût d'un peu plus de 20 millions d'euros, elle est l'étape préalable à la construction des prototypes. Ce premier contrat est attribué au consortium formé de Thales et BAE Systems et associant ECA, ASV et Saab. Au sommet d'Amiens ou 34e sommet franco-britannique (3 mars 2016) la bonne tenue de l'étude permet à Londres et Paris de poursuivre les efforts communs par la construction d'un prototype pour chaque pays qui sera mis en œuvre depuis la terre via un système conteneurisé. Lors de la 25e édition du salon Euronaval 2016 (17-21 octobre 2016), la livraison d'un prototype pour chacune des deux marines est alors espérée pour l'année 2019. Ils doivent être qualifiés avant une mise en service espérée en 2021.

La phase 2 correspond à la fin des études préparatoires et au lancement de la construction du prototype. Le futur USV est le fruit d'une expérimentation britannique menée à partir d'un dérivé du C-Sweep d'ASV : l'Halcyon. Monocoque long de 10,8 mètres pour un maître-bau de 3.5 mètres, il déplace, environ, 9 tonnes (contre 25 pour l'USV français) et atteint 25 nœuds pour 230 milles nautiques d'autonomie. Lancé en 2013, il fait l'objet d'une campagne de démonstration du ministère britannique de la Défense en 2014. Le Sterenn du sera alors remplacé dans les mois à venir par une version revue, corrigée et agrandie de l'Halcyon : plus efficient, plus stable avec une capacité d'emport accrue. Ce futur drone dont la construction est réputée en cours doit être essayé à l'issue de cette phase.

La phase 3 qui n'est pas encore notifiée comprend la mise en œuvre simultanée de tous les composants du MCMM. C'est peu ou prou atteindre les mêmes objectifs opérationnels du PEA Espadon avec de nouveaux composants dont l'USV, mais pas seulement. Thales fournit toujours le sonar remorqué (T-SAS) et son antenne SAMDIS (ouverture synthétique avec système d'imagerie multi-aspect). ECA contribue avec un AUV du type A27 (AUV DCL). Saab livrera le ROV (AUV I) et Wood & Douglas s'occupe des moyens de communications. En outre, Thales fournit le C2 soit le Portable Operation Center (POC) développées par le groupe français et BAE Systems

La partie la plus obscure du SLAMF ne réside pas dans l'USV et sa myriade de drones, ni même dans le BBPD-NG ou dans le SEGDM mais bien dans les bateaux-mères. Le principe de déployer les drones depuis une unité navale est acté en 2010. Une demi-douzaine d'unités était initialement espérée afin de remplacer les 13 CMT et 3 BSR. Finalement, seuls quatre bateaux-mères sont intégrés à la programmation depuis 2013. Dans le détails, il s'agit de construire, quant au besoin français :
  • quatre bateaux-mères,
  • huit systèmes de drones, soit :
    • 8 USV,
    • 24 AUV,
    • 8 sonar-remorqués T-SAM,
    • 8 ROV.
Le tonnage espéré pour les bateaux-mères devrait être compris entre 2000 tonnes lège et 3000 tonnes à pleine charge, soit entre l'équivalent d'une Gowind combat (Second Generation Patrol Vessel) et une Frégate de Taille Intermédiaire (FTI), contre 560 tonnes pour un CMT, 780 tonnes pour un DO ou encore 890 tonnes pour un BAMO. La rupture est franche avec les solutions de guerre des mines précédentes. 
Deux grandes solutions s'offrent dans cette perspective : 
La première profite des 20 à 30 nautiques d'éloignement des mines pour restreindre le bateau-mère à une unité construite aux normes marine marchande. Cette option contrevient au discours dominant sur les menaces A2/AD largement repris dans la Revue stratégique sur la Défense et la Sécurité nationale. Par contre, ce choix ouvre la perspective au remplacement des Bâtiments Hydrographiques (BH - La Pérouse, Borda, Laplace... et Arago ?) par une classe homogène et, par voie de conséquence, à une mobilité stratégique inédite de nos moyens de guerre des mines car tous les composants mobiles sont transportables par A400M. 

La deuxième considère les défis de l'A2/AD et les constations bien moins polémiques de la démocratisation des vecteurs sous-marins et anti-sous-marins de par le monde, en particulier dans les zones comprenant des intérêts vitaux français. Ici, il s'agirait de considérer les bateaux-mères comme de véritables frégates déployant ses drones et pouvant participer à la chasse d'autres menaces sous-marines dans les espaces côtiers comme, par exemple, les sous-marins de poche et à propulsion classique. Les frégates de deuxième rang bénéficieraient de quatre nouvelles unités en attentant de futures décisions quant au sort des frégates existantes. 

Les budgets et synergies ne sont pas les mêmes entre ces deux options. La première demanderait un coût unitaire de production de l'ordre d'un BSAH (soit peu ou prou 40 millions d'euros) tandis que la deuxième demanderait plutôt dans les 150 à 200 millions d'euros par bateau. Et tout ceci sans compter le coût des drones. Toutefois, l'opération Harmattan (2011) confirmait bien la nécessité de pouvoir approcher les chasseurs de mines des côtes adverses tandis que la Revue stratégique sur la Défense et la Sécurité nationale (p. 93) a cette sentence qui invite à ne pas négliger un aspect essentiel de la maîtrise aéro-maritime pour protéger les forces déployées contre les menaces sous-marines : "aptitude qui regroupe des dispositions de protection et de neutralisation face aux menaces (conventionnelles ou non) de type mines et torpilles." Les menaces non-conventionnelles, eu égard à l'emploi de ce vocable dans le document entier, ne désigne pas spécifiquement les WBIED/EEI naval mais bien les armes nucléaires.

À l'instar du programme BATSIMAR (BÂTiment de Surveillance et d'Intervention MARitime), le calendrier du programme SLAMF glissait de la décennie 2010 à la décennie 2020 pour la mise en service des nouveaux moyens. Une fois n'est pas coutume, une des causes du retard serait industrielle en raison d'une mésentente entre certaines entreprises françaises. C'est peut-être pourquoi des bruits de coursive disent qu'une demi-douzaine de CMT pourraient être prolongés d'environ cinq années afin d'assurer la soudure avec le SLAMF. Si ce dernier programme était cité dans l'actualisation de la LPM (2014-2019) en 2015 et - sans son acronyme - dans la Revue stratégique sur la Défense et la Sécurité nationale, rien n'oblige à une mise en service des nouvelles capacités dès la prochaine LPM (2020-2025) - hormis le prototype devant être reçu dès 2019. Les décisions à prendre ne sont pas simples entre les deux options dessinées ci-dessus. La première peut très rapidement devenir opérationnelle en moins de trois à quatre années entre la décision et la réception du bateau tandis que la deuxième touche plutôt à la LPM (2026-2031) qui portera probablement une nouvelle classe de frégates. Et l'affaire se corse encore quand il est envisageable que les BBPD-NG puissent bénéficient d'une variante du BATSIMAR destiné à la métropole

PA2 : missions de Petersberg (1999 - 2011)

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© DCN - Thales. Le PA2 comme avant-projet CVF-FR en 2006.
La construction des grandes unités de surface de la Marine nationale s'est, souvent, rattachée à de grands objectifs politico-militaires, hier la chasse aux "cuirassés de poche" allemands, et donc la commande des Dunkerque (1938 - 1942) et Strasbourg (1939 - 1942), ou encore aux leçons stratégiques de grands conflits comme par exemple l'apport déterminant des porte-avions pendant la guerre d'Indochine, appuyant décisivement la commande des Clemenceau (22 novembre 1961 - 1er octobre 1997) et Foch (15 juillet 1963 - 15 novembre 2000). Sans oublier la recherche d'une place éminente dans de grandes organisations comme l'ONU et plus particulièrement l'OTAN avec l'avant-projet PA58. La transition entre le PAN n°2 et le PA2 se manifestait, aussi, par l'inscription de la restauration de la permanence aéronavale comme une pierre française apportait à l'édifice européen des missions de Petersberg.
 
Pressés par le début de la désintégration de la Yougoslavie et pour compléter le traité de Maastricht silencieux à ce sujet, les États membres de l'Union de l'Europe Occidentale (UEO), "outre une contribution à la défense commune dans le cadre de l'application de l'article 5 du Traité de Washington et de l'article V du Traité de Bruxelles modifié" (II. 4.), souhaitent faire cause commune sur le plan militaire. La Déclaration de Petersberg du Conseil de l'UEO du 19 juin 1992 (Bonn) appelle à la mise à disposition par les États-membres pour des opérations de maintien de la paix sous l'autorité de l'ONU ou CSCE (Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe - OSCE aujourd'hui) les unités nécessaires.  formalise les quatre missions dites "de Petersberg" :
  • des missions humanitaires ou d'évacuation de ressortissants ;
  • des missions de maintien de la paix ;
  • des missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix.
Ce cadre-type dit des missions "de Petersberg" est repris depuis dans la matière constitutionnelle européenne, à savoir les traités d’Amsterdam (article J.7), de Nice  (article 17) et de Lisbonne (article 42 TUE).

Le long passé opérationnel de l'UEO sur mer précède puis contribue au nouveau cadre des missions dites "de Petersberg". Par exemple, l'UEO réagissait (1987-1988) aux menaces pesant sur la liberté de navigation dans le golfe Persique en raison de son minage par l'Iran et l'Irak. Les groupes de guerre des mines de l'opération Cleansweep dégageaient un couloir maritime de 300 milles. À la suite de l'invasion du Koweït (2 - 4 août 1990) par l'Irak, le Conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution 660. La France participe aux efforts de rétablissement de la paix et par l'opération Salamandre - débarquement des premiers éléments de la future division Daguet via le "groupe amphibie" (porte-avions Clemenceau, croiseur Colbert et pétrolier-ravitailleur Var) - et par l'opération Artimon (Ouest, Est et Sud). Cette dernière assurait le contrôle de l'embargo édicté contre l'Irak sous contrôle opérationnel de l'UEO. Plus tard, le Conseil des ministres de l’UEO (juillet 1992) décide l'envoi d'une force navale en Adriatique à fins de surveillance du respect de l’embargo décrété à l’encontre de l’ex-Yougoslavie. L'opération devient conjointe avec l’OTAN le 8 juin 1993 sous un commandement unique : c'est l’opération Sharp Guard.

Le Royaume-Uni bloquait la constitution d'une force autonome européenne pouvant être mobilisée aux fins des missions dites "de Petersberg" afin de ne pas concurrence l'OTAN. Le déblocage intervient lors du sommet de Saint-Malo. La déclaration franco-britannique de Saint-Malo (4 décembre 1998) cite l'objectif d'une "capacité d'action autonome" de l'Union européenne à remplir les missions définies dans la Déclaration de Petersberg (19 juin 1992).

Cette avancée franco-britannique s'européanise lors du Conseil européen de Cologne (3-4 juin 1999). Mais ce n'est que lors du Conseil européen d'Helsinski (10-11 décembre 1999) que cette "capacité d'action autonome" est détaillée comme suit : "les Etats membres devront être en mesure, d'ici 2003, de déployer dans un délai de 60 jours et de soutenir pendant au moins une année des forces militaires pouvant atteindre 50 000 à 60 000 personnes, capables d'effectuer l'ensemble des missions de Petersberg". Cette force doit être appuyée par 300 à 500 aéronefs dont 150 à 300 avions de combat et une force navale de quinze bâtiments. C'est dans cette perspective que la Marine nationale et la Royal navy souhaite verser leurs capacités aéronavales dont le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle (2001 - 2041) et les trois futurs porte-avions britanniques (Strategic Defence Review (SDR) de juillet 1998) et français.

 Le PAN n°2 devait être commandé dans le cadre de la LPM (1990-1994). Le livre blanc de 1994 repousse sa réalisation à de meilleurs conditions financières et économiques. Si bien que le lancement d'un sistership du Charles de Gaulle n'est pas inscrit à la programmation pendant la LPM (1997-2002) tandis que le rapport Cousin (1994) sanctionne l'âge des plans du PAN 1 conçu à partir du début des années 1980. Le PA2 ne pourra qu'être foncièrement différent de son devancier en bien des points. Il est désormais question que le Foch soit placé en réserve spéciale et remplace le Charles de Gaulle lors de sa première IPER alors prévue pour l'année 2004. Le rapport Le Drian ("L'aéronautique navale", commission de la Défense nationale et des forces armées, Rapport d'information, n°3317, 10 octobre 2001) sanctionne un manque d'effectifs pour la réactivation du Foch tandis que son placement en réserve spéciale est purement et simplement abandonné en 2000. Le PA2 est alors renvoyé à la LPM (2003-2008), au plus tôt, dans l'optique d'être mis en service à échéance de l'IPER suivante programmée en 2015.

C'est pourquoi le PAN n°2, devenu PA2 entre temps, est lié à la création d'une capacité autonome d'action de l'Union européenne tant pour agréger la force navale adjacente forte de quinze bâtiments - c'est la création d'EUROMARFOR - que pour contribuer au déploiement des 150 à 300 avions de combat demandés, sans compter la possible mise à disposition d'un groupe amphibie. Le sort du PA2 est désormais européen. Le 25ème sommet franco-britannique au Touquet (4 février 2003) voit l'aboutissement des discussions entamées depuis l'année 2002 et permet donc à la France de coopérer avec le Royaume-Uni sur l'acquisition de nouveaux porte-avions. Mais ce n'est que le 13 février 2004 qu'un communiqué de presse de l'Élysée officialise le choix d'une propulsion classique pour le PA2, ouvrant la voie à l'adoption d'un même type de porte-avions avec le Royaume-Uni.

La suite du programme CVF (Carrier Vessel Futur) comprenant le CVF-FR verra la France participait financièrement aux études britanniques pour le CVF puis travailler à l'adaptation de ces dernières au besoin français. Seules les catapultes seront commandées en 2006 avant que le contrat ne soit rompu en 2011. Même année où la France étudiait le rachat du HMS Queen Elizabeth.

L'Union européenne connaît une nouvelle crise avec le rejet du traité établissant une constitution pour l'Europe par le double référendum français et hollandais de l'année 2005. L'OTAN domine le débat militaire européen à travers les multiples participations à la coalition intervenant en Afghanistan, celle lancée en Irak à partir de l'année 2003 bloque la construction politique en Europe.

Finalement, un embryon de la capacité autonome d'action répondant partiellement à l'objectif défini en 2003 pour remplir les missions de Petersberg est mis sur pied entre Paris et Londres par le traité de Lancaster House (2 novembre 2010) : la CJEF (Combined Joint Expeditionary Force) dont le porte-avions Charles de Gaulle est la pièce centrale jusqu'à l'entrée en service des HMS Queen Elizabeth et HMS Prince of Wales. Il s'en suivra une période de transition jusqu'à la mise en œuvre d'un groupe aérien embarqué complet depuis l'autre côté de la Manche. Aussi, les trois BPC français demeureront à terme la seule capacité amphibie de cette force suite aux prochains désarmements des unités de la Royal navy.

Par ailleurs, il est à noter que les capacités navales démontrées dans le cadre de l'UEO et son interaction quasi-parfaite d'avec l'OTAN (opération Sharp Guard) n'ont pas été aussi bien reprises par l'Union européenne et l'OTAN. Par exemple, il n'y a pas eu un commandement unique entre l'opération Atalante et la Combined Task Force 151 de l'opération Enduring freedom. Il y a un certain recul stratégique de ce point de vue.

Aujourd'hui, la Marine nationale insiste sur la capacité du porte-avions à agréger les forces navales européennes lors des missions du GAn en citant, tout particulièrement les trois missions Arromanches. Il est à noter que, sans le GAn et le porte-avions Charles de Gaulle, la France n'aura bientôt plus la marine la mieux dotée en frégates de l'Union européenne puisque l'Italie la devancera.

PA2 : le Konrad Adenauer ?

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© Bundeswehr - Marine Nationale / Cindy Luu. Le Groupe Aéronaval (GAn) pendant la mission Arromanches 3 centré sur le porte-avions Charles de Gaulle agrège, outre trois frégates françaises Chevalier Paul, Aquitaine et Provence ainsi que le Bâtiment de Commandement et de Ravitaillement (BCR) Marne, les frégates allemande Augsburg et britannique HMS St. Albans.
L'Amiral Philippe Sautter proposait l'idée d'un porte-avions franco-allemand en 1996. Ayant servi à bord du porte-avions Fochà trois reprises, le troisième embarquement le conduit à en prendre le commandement (30 août 1993 au 29 août 1995). Au cours de ces 270 jours de mer, le Foch effectue sept missions opérationnelles en Adriatique et trois campagnes d'essai du Rafale. C'est pourquoi sa parole est celle d'un fin connaisseur du fait aéronaval français et est précieuse afin d'étudier plus en avant l'idée d'un porte-avions partagé entre deux pays. Ce serpent de mer revient régulièrement dans le débat français en tant que solution politico-militaire pour forcer le destin d'une Europe de la Défense ou se défausser sur les partenaires européens de l'incurie financière française.

Le conseil de Défense du 23 septembre 1980 se penchait sur le remplacement des porte-avions Clemenceau (22 novembre 1961 - 1er octobre 1997) et Foch (15 juillet 1963 - 15 novembre 2000). Suite à quelques années de débat entre les partisans du porte-aéronefs (avec voilures fixes ADAV/C) et ceux du porte-avions classique (CATOBAR/CTOL), ces derniers l'emportent par le Conseil de Défense du 23 septembre 1980. L'avant-projet du PA75 est validé par le Conseil Supérieur de la Marine le 6 juin 1984. La commande est ordonnée par le ministre de la Défense, Paul Quilès, le 3 février 1986 et la première tôle découpée le 25 novembre de la même année. Le bateau est mis sur cale en 1987. Le sister-ship, c'est-à-dire le Richelieu, devait être commandé dans le cadre de la LPM (1990-1994) avant que le Livre blanc de 1994 ajourne le lancement du programme à une future loi de programmation militaire. L'Amiral Sautter note lui-même que la réalisation du PAN n°2 n'est envisagée qu'à partir de la LPM (1997-2002) quand il écrit ("Construisons un porte-avions avec l'Allemagne", Le Monde, 7 juin 1996).

C'est dans cette perspective qu'il s'agit de replacer la prose de l'Amiral Sautter ("Construisons un porte-avions avec l'Allemagne", Le Monde, 7 juin 1996). Le long passé opérationnel de l'UEO sur mer (opérations Cleansweep (1987-1988), Artimon (1990-1994) et Sharp Guard (1993). La Déclaration de Petersberg du Conseil de l'UEO du 19 juin 1992 (Bonn) appelle à la mise à disposition par les États-membres pour des opérations de maintien de la paix sous l'autorité de l'ONU ou CSCE (Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe - OSCE aujourd'hui) les unités nécessaires.  formalise les trois missions dites "de Petersberg" : humanitaires ou d'évacuation de ressortissants ; maintien de la paix et missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix.

Le contexte de la construction européenne et de la géostratégie de l'Union de l'Europe Occidentale (UEO) invitait dans ces années à envisager une coopération navale avec l'Allemagne. Pourquoi la Deutsche Marine ? L'Amiral Sautter argue du choix arrêté par les marines européennes dotées de ponts plats en faveur du porte-aéronefs avec ADAC/V, soit les Royal navy (classe Invincible (1980 - 2014), Marina militare (Garibaldi (1981 - ...) et Armada Española (Principe de Asturias (1982 - 2013). C'est pourquoi il retient l'Allemagne richement dotée d'une aéronavale basée à terre (Atlantic, Tornado) lui permettant de couvrir toute la mer Baltique mais qui ne dispose pas d'une aéronavale embarquée et donc des effets politiques qui peuvent en être retirés. Par contre, l'Amiral Sautter souligne le caractère océanique de la Deutsche Marine : remarquons que c'est, très essentiellement, une marine de troisième rang selon la typologie arrêtée par Hervé Coutau-Bégarie, c'est-à-dire qu'elle est capable de se projetait ponctuellement à partir de sa région de prédilection.

Dans un premier temps, il s'agit de résoudre la problématique financière. L'enjeu est la pérennité de la permanence aéronavale. Le PAN n°2 devait prendre la suite du Foch en 2007 tandis que le Charles de Gaulle remplacerait lui le Clemenceau en 1999 - finalement, le PAN n°1 remplacera le Foch en 2001. Aussi, retenir 2007 comme année de remplacement du Foch est intriguant dans le sens où les Clemenceau et Foch devaient être désarmés, successivement, au cours de la décennie 1990 et quand il était question de placer le Foch en réserve spéciale (1999), c'était pour assurer la permanence aéronavale lors de la première IPER du Charles de Gaulle alors prévue pour 2004.

L'amiral Sautter recherche donc à réduire les 12 milliards de francs nécessaires à la mise sur cale du PAN n°2. Le Charles de Gaulle coûtait 14 milliards de francs (1990), soit 3,1 milliards d'euros (2015). En 1990, le PAN n°2 Richelieu était réputé devant coûter la somme de 9,8 milliards de francs, soit 2,2 milliards d'euros (2015). Le différentiel mériterait de pouvoir être expliqué car le rapport du député Cousin de 1994 soulignait que la commande d'un sister-ship du porte-avions Charles de Gaulle n'était plus possible en raison de l'ancienneté des études et des plans, le tout datant du début des années 1980.

Par ailleurs, "six milliards pour un investissement de trente ou quarante ans : cela ne paraît pas insurmontable" dixit l'amiral Sautter. Pour tomber à une telle somme, il faudrait retrancher le coût des deux réacteurs nucléaires (2,52 milliards de francs (1990), comme l'invite à le faire l'amiral en raison de la probable opposition allemande à une telle propulsion, et les frais logistiques (1 milliards de francs (1990), soit la somme de 6,28 milliards de francs. Les études sont toujours à mettre à jour et, qui plus est, il s'agit d'ajouter à cette dernière somme quelques contingences liées à la coopération tels que les frais d'interopérabilités totales avec la Deutsche Marine mais aussi la participation de l'industrie navale à la construction de ce pont plat. "Les industriels allemands, qui ont une solide expérience des constructions navales, pourraient être associés à la fabrication de certains tronçons de coque ou d'équipements."

Le trait semble un peu forcé pour atteindre l'effet utile de la démonstration entre le coût d'un :
  • PA2 à propulsion nucléaire dont les études sont à mettre à jour (10 à 12 milliards de francs (1990) ou 2 à 2,2 milliards d'euros (2015) ;
  • PA2 franco-allemand à propulsion classique (6,28 milliards de francs (1990) au minimum, certainement quelques milliards de plus à l'arrivée).
Le cadre dans lequel ce porte-avions devrait être employé reprend les grandes lignes des risques et menaces perçus dans les années 1990, c'est-à-dire la désintégration progressive de la Yougoslavie et l'ensemble des crises internationales surgissant depuis l'Irak (1990-1991) jusqu'à la Somalie en passant par le Libéria (1993), par exemple. Des zones adjacentes aux intérêts français. L'Amiral Sautter image l'intervention de ce porte-avions au soutien de soldats franco-allemands engagés dans la guerre civile yougoslave. Il cite l'exemple de la brigade franco-allemande et du corps européen. Le porte-avions franco-allemand semble alors être perçu comme l'outil pouvant permettre d'apporter l'impulsion décisive à la création d'une structure navale comparable et aussi ambitieuse. Car, il s'agit bien là dans l'argumentation de l'Amiral Sautter d'atteindre une "capacité autonome d'action" pour l'Europe. Le Royaume-Uni bloquait la constitution d'une force autonome européenne pouvant être mobilisée aux fins des missions dites "de Petersberg" afin de ne pas concurrence l'OTAN. Le déblocage intervient lors du sommet de Saint-Malo. La déclaration franco-britannique de Saint-Malo (4 décembre 1998) cite l'objectif d'une "capacité d'action autonome" de l'Union européenne à remplir les missions définies dans la Déclaration de Petersberg (19 juin 1992). Cette avancée franco-britannique s'européanise lors du Conseil européen de Cologne (3-4 juin 1999). Mais ce n'est que lors du Conseil européen d'Helsinski (10-11 décembre 1999) que cette "capacité d'action autonome" est détaillée.

L'Amiral Sautter est moins loquace quant au caractère bi-national du bateau. Il renvoie "les problèmes juridiques, financiers, organiques [qui] seraient traités par les diplomates et les étatsmajors, qui ont l'habitude de travailler ensemble". Mais c'est bien l'avis du marin français dont nous avons besoin car comment déterminer le caractère bi-national du bateau : quelle propriété, partagée ou non via une structure juridique dédiée ? Quel(s) équipage(s) ? Cela invite-t-il à imaginer un équipage bi-national ou bien deux équipages nationaux avec un ou plusieurs groupes aériens embarqués ?  Questions hautement importantes mais qui demeurent pendantes à chaque fois qu'un porte-avions franco-européen est évoqué.

La disponibilité stratégique de la plateforme est, elle-aussi, une problématique à part entière. Il est facilement concevable que le porte-avions franco-allemand consacrerait une partie de son activité opérationnelle à l'entraînement et à de la diplomatie navale (montrer le pavillon) en direction des deux pays et du voisinage européen tant sur des bases nationales qu'en vertu des d'ambitions européennes alors perçues comme partagées.

Par contre, cette disponibilité stratégique est plus difficile à cerner quand il s'agit d'envisager les interventions à l'étranger. Quand il écrit ces lignes, l'Amiral Sautter pense à la guerre civile yougoslave et il vrai que les interventions européennes font alors plutôt consensus. Mais depuis la deuxième guerre du Golfe (1990 - 1991) jusqu'à l'opération Harmattan (2011), l'Allemagne se soustrait, autant que c'est possible, à une participation rapide - ses mécanismes constitutionnels ne l'y invitent pas et la limitent en cela - et active aux opérations militaires. Les tabous sont toujours persistant. Cela reviendrait à émettre l'hypothèse que ce porte-avions serait cantonné aux missions de l'OTAN et de l'ONU mais probablement pas à une capacité autonome d'action franco-allemande. Il pourrait constituer la pièce maîtresse d'une potentielle SNMG (Standing NATO Maritime Group) n°3 dans cette perspective.

Et c'est là que le postulat sur la permanence aéronavale retrouvée avec le porte-avions franco-allemand se renverse, tout du moins doit être compris a minima : ce n'est pas "en cas d'immobilisation pour entretien du porte-avions franco-allemand, la France pourrait mettre à disposition le Charles de Gaulle" mais bien la France ne pourrait compter sur ce bateau que pour l'entretien des compétences du groupe aéronaval. Est-il concevable, en 1996 et encore plus en 2017, que Berlin puisse, à temps, incliner favorablement pour l'envoi d'un groupe aéronaval franco-allemand pour des missions comme Mirmillon (22 septembre - 13 novembre 1984) ou Capselle (1989) où la prise de risques est importante ? C'est fort douteux.

Par contre, du côté de la diplomatie navale en son versant économique, l'Amiral Sautter relève peut-être bien un levier d'influence qui n'a pas été exploité depuis cinquante ans. "En nous projetant encore plus dans un avenir qui n'est pas totalement virtuel, si l'Allemagne, pour remplacer ses Tornado, achetait des Rafale Marine, ces avions pourraient être basés en Allemagne et venir s'entraîner sur les porte-avions en Méditerranée. Ce ne serait pas plus loin que la base de Landivisiau (Finistère) où est stationnée la chasse embarquée française." C'est une chose qui pourrait tout à fait se pratiquer, en 2017, avec les rares pays européens dotés d'aéronefs à voilures fixes qui sont, en réalité, des chasseurs conçus pour être embarqués sur des porte-avions.

Ces "quelques lignes montrer que le projet de porte-avions commun n'est pas utopique à l'horizon de dix ans". Elles témoignent de l'intérêt de penser l'intérêt stratégique d'européaniser le groupe aéronaval. Cela doit répondre rigoureusement aux objectifs de la diplomatie française quant à la construction européenne. Et envisager les solutions les plus simples et rapides pouvant être mises en œuvre : il y a l'embarquement de flottilles européennes à côté du groupe aérien embarqué. Il y aussi "l'escorte [qui] pourrait être britannique, espagnole, néerlandaise, italienne pour en faire un groupe aéronaval européen."

Programmes navals (1900-1914) et fleurons

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© 2007- 艦艇写真のデジタル着彩 Atsushi Yamashita.
"De 1880 à 1914, la France a dépensé autant d'argent pour sa Marine que l'Allemagne" déclamait le professeur Hervé Coutau-Bégarie ("La diplomatie navale française", pp. 41-44 dans Pierre PASCALLON (dir.), Les armées françaises à l'aube du XXIe siècle - Tome 1 : La Marine nationale, Paris, L'Harmattan, 2002, 460 pages). Il est proposé de revenir sur les programmes navals successifs de 1900 à 1914 afin de comprendre la construction discontinue et incrémentale de la Flotte de France. Perspective qui soulignera combien chaque nouvelle classe de cuirassés, portée par un programme naval, tend à supplanter l'ancienne, confirmant la loi de la hausse continue du tonnage. Mais, finalement, c'est l'absence d'une harmonieuse combinaison entre une pensée navale aboutie et l'efficience budgétaire qui explique une Flotte trop peu nombreuse malgré un budget conséquent... !



22   juin                 1899  
07   juin              1902
Jean-Marie de Lanessan
07   juin                 1902  
24   janvier          1905
Camille Pelletan
24   janvier          1905  
22   octobre         1908
Gaston Thomson
22   octobre          1908  
24   juillet            1909
Alfred Picard
24   juillet              1909  
02   mars              1911
Auguste Boué de Lapeyrère
02   mars               1911   
21   janvier           1913
Théophile Delcassé
21   janvier            1913  
09   décembre      1913
Pierre Baudin
09   décembre      1913
20   mars              1914
Ernest Monis
20   mars               1914
09   juin              1914
Armand Gauthier de l'Aude
09   juin                1914
13   juin              1914
Émile Chautemps
13   juin                1914
03   août              1914
Armand Gauthier de l'Aude
Tableau 1 - Ministres de la Marine (22 juin 1899 - 3 août 1914). 

Le ministère Lanessan proposait le programme naval de 1900 (Martin MOTTE, Une éducation géostratégique - La pensée navale française de la Jeune école à 1914, Paris, Économica, 2004, pp. 462-469) afin d'assurer à la Marine nationale un corps de bataille fort de 28 cuirassés et 24 croiseurs-cuirassés. La Flotte drainait 22 cuirassés selon Lanessan mais seulement 13 cuirassés modernes d'après Martin Motte. La future loi devait avaliser la construction d'une nouvelle escadre de six cuirassés et graver dans le marbre le format ainsi retenu : quatre escadre de six cuirassés plus quatre unités pour parer aux aléas. Non seulement le Parlement vote la loi portant le programme naval mais réduit le temps exigé par son achèvement de huit à sept ans. Les six nouveaux navires de ligne relèvent des classe République (République (1902 - 1921) et Patrie (1903 - 1928) et classe Liberté (Liberté (1905-1911), Justice (1904 - 1922), Vérité (1907 - 1922) et Démocratie (1908 - 1921). 

Les Vérité et Démocratie seront admis au service actif au-delà du terme du plan retenu dans la loi en raison du catastrophique ministère Pelletan. Si les trois premiers cuirassés sont au niveau des Queen, les trois derniers Patrie (Justice, Vérité et Démocratie) reçurent bien des modifications qui les rendront inférieurs aux Dominion de la marine de l'Empire britannique.



Classe Patrie
Classe Formidable
Sous-classe Queen
Classe Liberté
Classe
King Edward VII







Unités

République
(1902 - 1921)
Patrie
(1903 - 1928)

HMS Queen

(1904 - 1919)

HMS Prince of Wales

(1904 - 1919)
Justice
(1904 - 1922)
Liberté
(1905 - 1911)
Vérité
(1907 - 1922)
Démocratie
(1908 - 1921)
HMS King Edward VII (1905 - 1916)
HMS Commonwealth (1905 – 1921)
HMS Dominion
(1905 - 1918)
HMS Hindustan
(1905 - 1918)
HMS New Zealand
(1905 - 1917)
HMS Africa
(1906 – 1918)
HMS Britannia
(1906 – 1918)
HMS Hibernia
(1907 – 1917)
Longueur (mètres)
133,8
131,6
133,8
138,23
Maître-bau (mètres)
24,26
22,9
24,26
23,28
Tirant d’eau (mètres)
8,41
7,72
8,4
8,15
Déplacement lège (tonnes)
14 605
15 000
14 489 à 14 860
16 350
Protection à la ceinture (mm)

280



229 à 305

280

203 à 305
Puissance (CV)
18 000
15 500
18 500 à 19 000
18 000
Vitesse (nœuds)
19
18
19,3
18,5 à 19,3




Artillerie
2 x II 305 mm
6 x II
6 x I 164 mm
2 TLT (450mm)
     2 × I 305 mm
12 × I 152 mm
16 × I 76.2 mm
6 × I 47 mm
2 × mitrailleuses
4 TLT (450 mm)
2 × 2 305 mm
10 × 1 194 mm
12 × 1 65 mm
8 × 1 47mm
2 TLT (450mm)
2 x II 305 mm
14 × I 76 mm
4 × I 234 mm
10 × I 152 mm
14 × I 47 mm
2 × mitrailleuses
5 TLT (450 mm)
Tableau 2 - Comparaisons entre les classes Patrie et Liberté (Marine nationale) et les classes Queen et King Edward VII (Royal navy).

En 1905, la Marine nationale est au quatrième rang mondial, derrière l'Empire allemand. "Si le programme de 1900 avait été mené à bien, la France eût disposé en 1906 de 6 cuirassés puissants (les Patrie, République, Démocratie, Liberté, Justice, Vérité) qui, ajoutés aux précédents, lui eussent assuré une confortable avance sur l'Allemagne." (ibid., p. 580). Le décrochage naval croissant de la France était patent : 11 unités modernes contre 12 aux États-Unis, 16 à l'Allemagne et 43 pour l'Empire britannique. En tenant compte des cuirassés en chantier et en projet, le différentiel s'accroît, par exemple, entre 17 cuirassés pour la France contre 24 pour l'Empire allemand.

Le programme naval de 1905-1906 poursuit l'œuvre de Lanessan, malgré Pelletan et l'ultime réaction de la Jeune école dévoyée. Gaston Thomson, nouveau ministre de la Marine, se voyait proposer par le Conseil Supérieur de la Marine (CSM) un nouveau programme naval douze jours avant Tsushima (27 - 28 mai 1905)... Lui-même, heureusement, favorable aux cuirassés, il a sur son bureau la proposition d'augmenter le nombre prévisionnel de cuirassés de 28 à 34, soit cinq escadres de six unités plus quatre bateaux de remplacement et 15 croiseurs-cuirassés (avec trois de remplacement en sus). Le terme de ce programme était l'année 1919, ce qui supposait, en tenant compte des unités existantes, à venir et à désarmer, la construction de 11 cuirassés et 10 croiseurs-cuirassés (ibid., pp. 579-580).

Le Parlement votait le programme de 1905 et la construction immédiate de 6 cuirassés - les Danton -, fortement encouragé en ce sens par le résultat de la guerre russo-japonaise (8 février 1904 au 5 septembre 1905) qui consacre les thèses mahaniennes. Toutefois, les ambitions pour l'outre-mer matérialisées par les stations navales pesaient sur le renforcement du corps de bataille. Si bien  que Thomson sacrifie les 18 croiseurs-cuirassés de deuxième classe prévus pour les stations au profit d'un nouvel allongement de la ligne de bataille de 34 à 38 cuirassés. Le nombre de croiseurs-cuirassés de première classe passe de 18 à 20 unités. 

Le débat porte alors sur la révolution imposée par le HMS Dreadnought (1906 - 1923). Même l'orthodoxie mahaniste française résiste, à l'exemple de l'Amiral Darrieus. Il se range à l'avis de ceux qui conçoivent que les portées d'engagement du combat naval seront sans cesse croissantes. Pourtant, il approuve le maintient d'une artillerie "principale" bi-calibre (305 et 240mm) au prétexte que le 240 à une cadence de tir 25% supérieur au 305. Sauf qu'il ignorait que la puissance de pénétration du 240 chutait au-delà de 5000 mètres. Distance précise à partir de laquelle les Japonais engageaient les Russes à Tsushima (27 - 28 mai 1905).

Par ailleurs, le débat sur la vitesse des cuirassés (20 nœuds ? Quelques nœuds de plus ? 25 nœuds et plus ?), et donc le choix à faire entre protection, feu et mobilité, conduiront à tenter de résoudre la quadrature du cercle pour demeurer dans des navires de ligne de 15 à 20 000 tonnes. Laubeuf est taxé de "mégalomanie" (ibid., p. 585) en 1908. Il proposait de saisir l'opportunité stratégique ouverte par le HMS Dreadnought qui déclasse d'un seul coup toutes les flottes du monde. Pour ce faire, il propose d'envisager de sauter une classe et d'accélérer avec un cuirassé de 25 000 tonnes :
  • 230mm à la ceinture,
  • 16 pièces de 305,
  • 22 nœuds.
L'opportunité n'est pas saisie et l'Amiral Jules de Cuverville, Chef d'État-Major de la Marine, approuvait des Danton à 18 000 tonnes. Pourtant, Laubœuf ne faisait qu'ouvrir la porte au "super-Dreadnought" ou cuirassé rapide dont les 35 000 tonnes seront le symbole le plus parfait... Les bateaux étrangers mis sur cale à partir de 1912 dépasseront - déjà ! - les 25 000 tonnes et commenceront à porter du 380 et du 406 mm quand la France stagnera au 340 jusqu'en 1940...



HMSDreadnought
Classe Danton
« Cuirassé Laubœuf »



Unités

HMS Dreadnought
(1906 - 1923)
Danton      (1909 - 1917) Voltaire     (1909 - 1935) Diderot      (1909 - 1936) Condorcet (1909 - 1931) Mirabeau  (1909 - 1921)
Verginaud  (1910 - 1921)


1908
Longueur (mètres)
161
146,60
-
Maître-bau (mètres)
25
25,80
-
Tirant d’eau (mètres)
7,90
8,70
-
Déplacement lège (tonnes)
18 420
18 300
25 000
Protection à la ceinture (mm)
100 à 280
200 à 255
230
Puissance (CV)
22 500
22 500
-
Vitesse (nœuds)
21
19
22

Artillerie
5 × II 305 mm
27 x I 76 mm
5 TLT (457 mm)
2 × II 305 mm
6 × II 240 mm
16 x I 75 mm
2 TLT (450 mm)
16 x 305 mm
Tableau 3 - Comparaison du HMS Dreadnought (Royal navy) avec la classe Danton et le projet de cuirassé de Laubœuf.

Le résultat de ces débats est que le nouveau maître-étalon de la puissance navale est le HMS Dreadnought : la France n'en a aucun en 1906 et pas un de plus après la construction des six Danton. Là, où, l'attention se focalisait sur le nombre, la priorité aurait pu aller à trancher les débats sur les qualités intrinsèques du cuirassé et donc à embrayer sur les nouveaux termes du débat. C'est en cela que la proposition de Laubeauf était novatrice et préfigurait l'avenir.

En 1909, le budget naval français stagne et n'a connu qu'une hausse de 6% depuis 1900 et s'élève à 330 millions de francs tandis que la hausse des budgets navals est de 84% pour l'Allemagne, 73% pour les États-Unis et 25% pour l'Empire britannique. Sur la base d'un budget à 330 millions de francs, le CSM demande de nouvelles constructions à hauteur de 465 millions. Le ministre de la Marine, Alfred Picard, souhaite 225 autres millions de plus pour assurer l'effectivité opérationnelle des escadres (ibid., p. 601). Si bien que le CSM propose de rectifier le programme de 1906 avec non plus 38 mais 36 cuirassés : soit deux armées navales (16 cuirassés l'une et l'autre) architecturée autour de deux escadres (8 cuirassés chacune) à deux divisions (4 cuirassés chaque) et quatre cuirassés de remplacement.

Le débat bascule une nouvelle fois alors sur de nouveaux termes. Premièrement, l'État-Major Général (EMG) demande, lui aussi, deux armées navales à deux escadres à deux divisions mais pour un total de 28 cuirassés avec les quatre de remplacement, au motif qu'aucun programme naval élaboré par le CSM n'a été réalisé intégralement et aussi par l'impossibilité de maintenir l'équivalence avec la flotte allemande seule. C'est pourquoi il retient plutôt l'intérêt de concentrer la Flotte dans la Méditerranée.

Le Parlement se rebiffe au titre que les dépenses suivent les ambitions affichées mais que le tonnage ne s'accroît pas d'autant... Le rendement des arsenaux et de la Marine est gravement mis en cause, et à juste titre : quand le Royaume-Uni lançait le HMS Dreadnought pour 35 millions de livres, un Danton coûtait 35 millions (ibid., p. 591) à la France pour un navire de ligne obsolète.



Classe
Courbet
Classe
Iron Duke
Classe
Bretagne
Classe
Queen Elizabeth
Unités
Jean Bart
(1911 - 1946)

Courbet

(1911 - 1944)

Paris

(1912 - 1956)

France

(1912 - 1922)
HMS Iron Duke
(1912 - 1914)
HMS Marlborough (1912 - 1914)
HMS Benbow
(1912 - 1914)
HMS Emperor of India
(1912 - 1914)
Provence
(1913 - 1942)

Bretagne
(1913 - 1940)

Lorraine
(1913 - 1952)
HMS Queen Elizabeth
(1914 - 1948)
HMS Warspite
(1915 - 1950)
HMS Barham
(1915 - 1941)
HMS Valiant
(1916 - 1948)
HMS Malaya
(1916 - 1948)
Longueur (mètres)
168
189,8
166
196,82
Maître-bau (mètres)
27,90
27,4
16,9
27,58
Tirant d’eau (mètres)
9
9,.98
9,8
9,19
Déplacement lège (tonnes)
23 189
25 000
23 230
27 500
Protection à la ceinture (mm)
180 à 270
304,8
270
330,2
Puissance (CV)
28 000
29 000
43 000
75 000
Vitesse (nœuds)
21
21,25
20
24


Artillerie
6 x II 305 mm
22 x I 140 mm
4 x II 47 mm
4 TLT (457 mm)
5 × II 343 mm
12 × I 152 mm
2 × I 76 mm
4 TLT (533 mm)
     5 x II 340 mm
14 x I 138 mm
8 x 37 mm
4 TLT (450 mm)
      4 x II 381 mm
14 x I 152 mm
2 × I 76,2 mm
4 × I 47 mm
4 TLT (530 mm)
Tableau 4 - Comparaison entre les classes Courbet et Bretagne (Marine nationale) avec les classes Iron Duke et Queen Elizabeth (Royal navy).

C'est dans ce contexte que le président du conseil, Aristide Briand, demandait, appuyé par le ministre de la Marine,  Auguste Boué de Lapeyrère venu aux vues réalistes de l'EMG et acceptant de rechercher la supériorité sur les flottes italienne et austro-hongroise, à la chambre des députés une flotte de 28 cuirassés en 1910. En plus, le ministre de la Marine obtient la mise sur cale immédiate des Courbet et Jean-Bart.

La Grande guerre interrompt le dernier programme naval en gestation. En juin 1914, la Marine nationale préparait un nouveau programme naval. L'âge de retrait du service actif des Danton et Patrie devait être abaissé. Et l'objectif nouveau passé de 28 unités à atteindre en 1919 à 32 en 1925, soit quatre escadres (dont une rapide) plus les quatre Jean Bart en cuirassés de remplacement. 

Programmes
1900
1905
1905 révisé
1909
1910
1914

Acteurs
Jean-Marie de Lanessan
Gaston Thomson
CSM
Alfred Picard
Auguste Boué de Lapeyrère
CSM
Corps de bataille
28
34
38
36
28
36
Cuirassés en Flotte
22
24
24
21
22
29
Cuirassés modernes
13
11
11
0
0
4
Cuirassés en construction
0
2
2
6
1
5
Cuirassés en projet
6
6
6
8
5
4
Tableau 5 - Récapitulatif des différents programmes navals français.

De manière générale, il est à relever que chaque nouvelle classe depuis les République et Patrie jusqu'aux Bretagne voit un embonpoint régulier d'environ 5000 tonnes, le déplacement lège passant successivement de 15 000 (République et Liberté) à 18 000 tonnes (Danton) pour finir à 23 230 tonnes (Courbet et Bretagne). La classe Normandie montait à 25 230 tonnes lège avec une très sensible augmentation de la puissance de feu en terme de cadence de tir (quatre tourelles quadruples de 340). Les cuirassés de la classe Lyon devaient monter à 29 000 tonnes lège tandis qu'en 1919, plutôt que l'achèvement de la classe Normandie dont toutes les unités avaient été mises sur cale, le CSM envisageait brièvement 11 cuirassés de 40 000 tonnes avant le traité naval de Washington (1922). Par ailleurs, il est à noter que le 340 demeura le plus puissant calibre naval français jusqu'à la construction (1935 - 1939) du Richelieu et sa mise en service (1940).

C'est dans ce contexte qu'il s'agit de replacer le "cuirassé Laubœuf" qui, loin d'être une proposition mégalomane, était surtout l'option stratégique à considérer pour la France afin de rejoindre le premier rang mondial. Mais l'inadéquation des infrastructures - les dimensions des cales sont le véritable facteur limitant des caractéristiques nautiques et opérationnelles des cuirassés -, le retard pris dans certains programmes clefs (télémètres, artillerie (400 mm, etc) et l'inefficience budgétaire expliquent pour beaucoup ce décrochage.

Plus que la sentence sur les coûts comparés entre le HMS Dreadnought (35 millions) et le Courbet (45 millions), ce sont toutes les dépenses improductives et dispendieuses engagées dans l'édifice naval qui sont condamnées. Le capitaine de frégate Daveluy (L'esprit de la guerre navale - Tome III : L'organisation des forces, Paris-Nancy, Berger-Levrault & cie, 1910, pp. 129-130) liste les dépenses inutiles car les navires sont d'une valeur militaire nulle :
  • les croiseurs-cuirassés avaient coûtés 517 millions de francs, soit 14 cuirassés de 15 000 tonnes ;
  • les garde-côtes cuirassés et les canonnières-cuirassés avaient coûté 167 millions de francs, soit 4,5 cuirassés ;
D'autres constructions inutiles (116 millions) portent le total à 800 millions de francs : 21 cuirassés qui auraient pu être lancés et admis au service actif (ibid., p. 607). Les considérations du CF Daveluy couvrent la majeure partie de la période ainsi que son "introduction" (1890-1900). Cela revient à dire que sur les programmes navals considérés, il aurait été possible de réaliser les programmes navals à hauteur des deux tiers plutôt que d'un seul ou de rien du tout.

La France est reléguée à un second rôle naval sur le plan stratégique : faute de pouvoir rivaliser avec la marine de l'Empire allemand et, aussi pour conserver la maîtrise de la Méditerranée afin d'assurer le partage des troupes, l'accord naval entre Londres et Paris (1912) confie le sort de cette mer à la Marine nationale. Pourtant, le budget permettait d'envisager bien plus qu'un "two-powers standard"à l'endroit de l'Italie et de l'Empire austro-hongrois.Deux facteurs expliquent la non-réalisation des programmes navals : le dévoiement de la Jeune école du deuxième système de l'Amiral Aube tendant à supprimer le cuirassé ralentit considérablement les débats parlementaires et militaires. C'est, peut-être aussi, en partie pourquoi la révolution du HMS Dreadnought est partie manquée. Mais cette dispersion des efforts est aussi le fruit de considérables retards dans la la réforme des arsenaux et donc dans l'amélioration continue de l'amélioration de leur productivité. Sans compter la réforme du soutien, ce poste de dépenses. Les frais généraux accaparaient 33% du budget naval contre 21,5% pour Londres et 13,5% en Allemagne... Malheureusement, il faudra attendre 1909 pour que le Parlement et l'EMG commence à exprimer leur désespoir : les budgets sont votés, les crédits consommés mais le tonnage ne suit pas malgré un budget à la hauteur.

Un véritable plaidoyer pour une stratégie organique et le développement des outils afférents. 
 

FREMM et équipages optimisés : renforcement en vue

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© Marine nationale - Stéphane Dzioba. Les FREMM Aquitaine et Provence à proximité de Toulon.
Le programme FMM puis FREMM s'inscrivait dans une double dynamique : les économies dégagées par la réduction du nombre et du volume des équipages devaient abonder autant le financement des grands programmes d'armement - dont FREMM - que la déflation générale des effectifs, permettant d'investir dans de nouveaux bateaux et, donc, entretenir, la première dynamique. Avec seulement 94 marins pour armer une frégate de 6000 tonnes contre 300 pour une  F67, le pari était ambitieux. Et s'il n'est pas totalement perdu, toutefois, il doit être, au minimum, révisé. La Marine avait à trancher entre deux grandes options : renforcer les équipages ou les doubler. La première semble l'avoir emporté, pour un temps.
Les 17 FREMM devaient remplacer 3 frégates F67, sept autres F70 (par 8 FREMM ASM) et 9 avisos A69 (8 FREMM AVT). C'était donc venir d'un volume de 3081 hommes pour arriver à, seulement, 1598. Les 1483 économisés permettaient d'alimenter le financement du programme via la réduction des effectifs consenties de 2009 à 2015. Cette contraction de la masse salariale n'a jamais pu être menée au rythme espéré dans le calcul initial, tout comme les programmes ont étalés et la cible réduite, diminuant d'autant les chances de succès de l'ambitieuse manœuvre.
Le passage d'une génération à l'autre, par exemple d'une F70 à une FREMM, permet d'amener le coût annuel représenté par les soldes de l'équipage de 13 (F70) à 8 millions d'euros. Cette diminution (-38%) est légèrement moindre que celle des effectifs (-42%) car l'automatisation de certains postes diminuent les effectifs et le besoin en matelots et quartier-maîtres mais nécessite, en contre-partie, un besoin accru en officiers-mariniers et officiers-mariniers supérieurs. Par exemple : quand il fallait 72 quartiers-maîtres et matelots sur une F70, il n'en faut plus que 25 sur une FREMM.
Toutefois, cette économie annuelle de 5 millions d'euros représente 150 millions d'euros sur la vie du bateau dont le coût unitaire de production avoisinerait les 500 millions d'euros. Il y avait matière à bien vouloir croire que la réforme se finançait d'elle-même. Et chercher à tirer le bénéfice immédiat des économies projetées sur trente années devait être l'un des leitmotiv pour inventer des "financements innovants".

Mais dans ce contexte , il était alors inenvisageable de renforcer, et encore moins de doubler, les équipages, puisque les effectifs diminués année après année. Si bien que l'équipage des FREMM était tellement optimisé que la division des tâches avait été réétudiée en profondeur jusqu'à transférer des tâches à terre, dont une partie de la formation des marins devant parvenir sur les nouveaux bateaux qui affichent quelques ruptures dans la manière de les mettre en œuvre par rapport aux anciennes frégates. En particulier, c'est en raison de la réduction de la taille de l'équipage et du haut degré d'automatisation qu'il s'agit de transformer l'ancien paradigme.

Dans cette perspective, tout ceci se matérialisait par un "reach back" dont l'appellation a évolué jusqu'à devenir GTR : Groupe de Transformation et de Renfort. Deux groupe d'environ 30 marins sont constitués à Brest (GTR/B) et Toulon (GTR/T). Pendant un cycle de douze mois, ils se forment à un poste embarqué qu'ils peuvent, éventuellement, occuper selon le profil de la future mission de la FREMM. Dit autrement, ils peuvent tout aussi bien embarquer selon les "chantiers" prévisibles sur tel ou tel moment de la mission, sans rester à bord tout du long. 

Ces 60 marins détachés à terre représenteraient, au mieux, selon l'"ancienne formule", un renforcement permanent des huit équipages des FREMM (2022) de, environ, 7,5 marins, soit 101,5 marins. Projection très critiquable dans la mesure où il est très probable que les FREMM ASM aux capacités de Défense Aérienne Renforcées (FACDAR) aient un plan d'armement particulier car relatif à des missions de DA plus gourmandes en effectifs. À titre de comparaison, une Aquitaine demande 94 marins contre 194 pour le Forbin.
Le discours au sujet des FTI (Frégates de Taille Intermédiaire) et, en particulier, son évolution illustre assez bien le premier grand retour d'expérience qui semble avoir été réalisé de cette problématique. L'équipage projeté pour les FTI évolue entre 110 et 120 marins, ce dernier chiffre est le plus récent et donné par le CEMM lui-même, l'Amiral Prazuck. Le discours initial était bien que, en raison de la trop grande complexité des FREMM, une des conséquences notables de l'optimisation du volume de l'équipage, il avait été choisi de revenir légèrement en arrière et, donc, de passer de 94 à environ 110-115 marins, toujours hors détachement aviation. Aujourd'hui, l'Amiral Prazuck transforme cette logique afin de soutenir sa politique de ressources humaines et les choix qu'il semble avoir arrêté quant à l'armement des FREMM. 
"Pendant longtemps, sur des bateaux à l’organisation très pyramidale, comme le Colbert, par exemple [...] –, il y avait cinq cents personnes, parmi lesquelles de nombreux opérateurs chargés par exemple de relever la température des moteurs, de jeunes matelots qui apprenaient à vivre sur un bateau, à partir loin et longtemps en équipage, et qui commençaient à acquérir les rudiments de la technique. [...] Cette base ouvrière, si l’on peut dire, constituait donc aussi un vivier de recrutement interne.  Avec les bâtiments que nous connaissons aujourd’hui et qui ne comptent qu’une centaine de personnes, ce n’est pas seulement la taille de l’équipage qui a diminué, mais sa structure même qui a été modifiée : la base est beaucoup plus réduite."
Amiral Prazuck, audition, Commission Défense nationale et forces armées, Assemblée nationale, 12 octobre 2017
En 2016, il était question de choisir entre renforcer les équipages ou les doubler. La première option semble avoir été arrêtée vis-à-vis de l'ensemble des choix à faire pour la future LPM (2020-2025). "94 marins dans un bâtiment de combat, qui est aussi une école de formation, ne permet pas de faire face à des problèmes de résilience. S’il faut augmenter la base des équipages de FREMM, on le fera. Ce choix ne sera pas renouvelé pour les FTI qui passeront à 120 marins." (Amiral Prazuck) Cela reviendrait à reconnaître que les GTR ne suffisent pas ou ne pouvaient pas parvenir, de toutes les manières, viabiliser des filières pour certaines spécialités et que - ce qui devait arriver arriva - des carences vont ou se font déjà sentir.
Un renforcement des équipages de huit FREMM représente quelque chose comme 16 à 26 marins par frégate, soit un total de 128 à 208 marins de plus pour l'armement des huit FREMM (2022). En supprimant les deux GTR de Brest et Toulon, 46 à 28% de l'effectif recherché peut d'ores et déjà être dégagé. De sorte que il ne reste plus que 68 à 148 postes à dégager. 


2018 : mises sur cale des Alsace et Lorraine ?

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© Naval group.
Les Cassard (1985 - 2021) et Jean Bart (1988 - 2022) furent construites (1982-1991) avec des RIM-24 Tartar reçus des États-Unis en 1965 et débarqués des escorteurs d'escadre Bouvet et Kersaint. Remplacer le Tartar par le PAAMS était envisagé : les coûts et les faiblesses structurelles des frégates condamnaient cette refonte. Le retrait de service glissait de 2013 et 2015 (Horizon n°3 et 4) à 2018 (FREDA) pour, finalement, 2021 et 2022 (FACDAR). Le Cassard est "hors d'âge. Sa ligne d'arbres s'est cassée en pleine mer et il y a eu un incendie dans les machines du Jean Bart. Ces bâtiments sont à bout de souffle [...] Il faut surveiller et réparer les fissures dans les coques et les chaises de lignes d'arbres. On a évalué ce coût à une centaine de millions d'euros dans le projet de loi de programmation militaire." (Amiral Prazuck, audition, Commission Affaires étrangères, Défense et forces armées, Sénat, 25 octobre 2017) Mais il y a une autre solution : l'avancement de la construction des FREMM 7 et 8.
Les frégates du Type F67 bénéficient de travaux supplémentaires afin de renforcer la structure des coques. Les Tourville (1980), De Grasse (1981) et Duguay-Trouin (1982) reçoivent des renforts structurels sous la forme de bulges. Nouveau programme (C70), nouvelle coque : la "poutre-navire" des frégates du type F70 (sous-classes Georges Leygues (7) et Cassard (2) souffrent, pourtant, des mêmes tares : des micro-fissures de quelques centimètres apparaissent entre le premier pont et les superstructures au début de la décennie 1990. Les travaux menés consistaient dans l'adjonction de bulges de 60 mètres sur chaque bord. Afin de préserver autant que possible le centre de gravité originellement pensé, chaque frégate bénéficie de 330 tonnes de lestes dont 210 tonnes de béton dans les cales. La différence (120 tonnes) est constituée d'anciennes soutes à gazole noyées d'eau. Si bien que 20% de l'autonomie des bateaux a été perdue.

Ce sont donc des frégates à la coque fragile depuis les premières années de navigation. Si fragiles qu'il n'était pas envisageable ni les moderniser (PAAMS), ni même qu'elles atteignent ou dépassent les 30 années de service. Cela doit interpeller quant à la crédibilité militaire de frégates obsolètes et mal-conçues. Et, disons-le : des bateaux très moches. L'Amiral Prazuck avance "que nous ne sommes pas loin du jour où un missile antinavire sera tiré contre un bâtiment français". Quel est la valeur de la solidité structurelle des Cassard et Jean Bart s'ils devaient subir 165 (AM39 Exocet) à 600 kg (FG29) d'explosifs ?

Le HMS Sheffield (1975 - 1982) avait sept ans et était considéré comme l'une des meilleures frégates anti-aériennes du monde quand "elle" a été frappée par un Exocet pendant la guerre des Malouines ( 2 avril 1982 - 14 juin 1982). La frégate Type 42 tiendra six jours à flots après l'impact , son équipage luttant contre les incendies, avant de rejoindre les abysses. 

C'est pourquoi il n'est pas déraisonnable d'évoquer l'hypothèse de l'avancement de la construction des FREMM 7 (Alsace) et 8 (Lorraine). 

D'une impérieuse nécessité peut naître un succès commercial au Canada. L'industriel allemand TKMS obtenait la commande de quatre sous-marins en Norvège car Berlin proposait à Oslo de commander pour la Deutsch Marine deux unités en sus, diminuant le coût unitaire des six sous-marins. Oslo accepta et annulait l'appel d'offres, au détriment de DCNS qui ne pouvait pas être aussi aussi ou moins disant. Une leçon partiellement exploitée en Belgique puisque le coup de force français s'accompagne d'engagements politiques quant à une participation belge dans les travaux du Rafale F4.

Le programme CSC (Canadian Surface Combatant) pour lequel Naval group candidate avec Fincantieri se présente relativement mal. L'offre italo-française s'est faite hors de l'appel d'offres officiel en raison de craintes quant au respect de la confidentialité des informations, voire à des fuites pures et simples. Une force préférence s'exprimerait officieusement en faveur de la Type 26 de BAE Systems allié à Lockeed Martin Canada. 

Par ailleurs, il n'est pas à négliger la puissance actuelle du triptyque F-35/AEGIS/Patriot dans la modernisation ou le renforcement des défenses aériennes des membres de l'OTAN et des principaux partenaires des États-Unis d'Amérique. La défense aérienne canadienne est très intégrée à celle des États-Unis depuis le conflit Est-Ouest (1947-1991). Si Ottawa souhaite étendre géographiquement sa défense aérienne et/ou développer ses capacités contre les missiles balistiques alors la présence de la suite AEGIS peut-être un critère technique discriminant. L'absence de ce système d'armes sur les frégates françaises explique pour beaucoup la défaite de DCNS en Australie pour la vente de deux BPC et trois frégates de défense aérienne. 

C'est pourquoi il serait très rationnel de proposer au Canada dans quelques semaines que deux frégates fondées partiellement sur les choix techniques canadiens soient construites en France. Globalement, ces frégates répondent à l'ensemble des caractéristiques attendues d'une frégate de défense aérienne. Mieux, elles auraient 48 silos contre 32 pour les FACDAR (FREMM ASM à Capacités de Défense Aérienne Renforcées) attendues en 2021 et 2022 dans la Marine nationale. 

Sur le plan technique, la construction avancée supposerait d'accélérer la réalisation de la plateforme. Toutes les technologies, tous les systèmes et équipements sont déjà disponibles et en cours d'approvisionnement. Il s'agirait surtout de savoir quand Naval group peut monter rapidement en puissance pour lancer deux frégates en 14 à 18 mois. C'est plutôt la suite radar qui serait très difficilement au rendez-vous : elle n'est attendue, au plus tôt, qu'après 2020. Il est envisageable d'admettre au service actif les Alsace et Lorraine sans le SeaFire 500, dans un premier temps. Elles recevraient les radars SMART-S Mk 2 des Cassard et  Jean Bart. Le Cassard ne débutait-il pas sa vie à la mer avec un DRBV-15 en lieu et place du DRBJ-11 ?

Une FREMM dotée du PAAMS avec 48 missiles Aster 30 et un radar SMART-S Mk 2 serait-elle moins crédible sur le plan militaire qu'une frégate Cassard ou Jean Bart avec le même radar mais un système d'arme complètement obsolète et une coque fragile ?

Sur le plan financier, l'affaire n'est pas insurmontable. En 2013, le coût des études pour la FREDA est évaluée à 160 millions d'euros par Patrick Boissier, PDG de DCNS. En 2016, l'enveloppe des crédits d'engagement alloués à la "FREMM-FREDA" se chiffre à 2017,77 millions d'euros. Sur les années 2016 à 2019, la dépense moyenne en crédits de paiement s'élève à 300 millions d'euros (1148,63 millions d'euros) dont 869,14 pour les années postérieures à 2019. Moins 100 millions car il ne s'agirait plus de prolonger les deux F70 de DA. Reste 1617,77 millions d'euros à trouver. 

Sans le SeaFire 500, ce sont autant de millions d'euros qui sont automatiquement reportés (après 2023 ?). Une grande partie de la somme devait être versée en crédits de paiement sur les années 2019 et suivantes : rien ne change. En outre, un certain nombres de négociations sont possibles avec les industriels - les paiements peuvent être décalés -, en particulier si le gouvernement du Canada acceptait l'offre française. Certaines études seraient diluées sur 17 bateaux (2 françaises et 15 canadiennes) et non plus seulement deux. Et si jamais il n'y avait pas de contrat canadien alors il est toujours possible de décaler le programme FTI, en échange de quoi toutes les La Fayette seraient modernisées.

Le Canada doit passer commande pour quinze frégates en dépensant près de 60 milliards de dollars canadiens (39 milliards d'euros) pour la construction et plusieurs années de maintien en condition opérationnelle des futurs bateaux. Fincantieri et Naval group promettent moitié moins. Une commande française peut être le facteur décisif amenant la décision canadienne et donc l'abandon de l'appel d'offres. Les travaux lancés en France serviraient à former les premières équipes canadiennes pour la mise en chantier de la première frégate au Canada. L'Alsace serait mise sur cale en 2018 pour être lancée à la fin de la même année. La quille de la Lorraine serait posée fin 2018. Les deux frégates pourraient être achevées en 2019 et entrer en service en 2020, permettant de gagner une année pour l'Alsace et deux années pour la Lorraine.

MCO : disponibilité stratégique des plateformes navales

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© Marine nationale.
Le Maintien en Condition Opérationnelle des plateformes et systèmes d'armes est l'un des facteurs de la supériorité militaire, en ce sens qu'il conditionne la disponibilité des matériels des forces pour les missions qui peuvent être ordonnées. Sur le plan naval, le MCO est la condition sine qua non pour durer à la mer, la matérialisation de la lutte permanente contre la moindre avarie, voire la survie d'un navire quand la casse est critique, même au bassin.

Le budget MCO connaissait un effondrement pendant les années allant de 1997 à 2001. Si bien que la DTO (Disponibilité Technique Opérationnelle) chutait, en moyenne, de 15 à 25% selon les systèmes d'armes. Ces mêmes taux regagnaient 10% grâce à une augmentation des crédits de MCO de près de 30% entre 2000 et 2003. La LPM (2003-2008) s'assignait l'objectif de 75 à 80% de disponibilité selon les équipements.

La Cour des comptes se penchait via deux rapports la situation du MCO des équipements militaires en 2004 et 2014. Il en ressortait un certain nombre de constats dont la progression constante en volume de ce budget sans que les objectifs en la matière (2008) ne soient atteints, ni même que les économies réalisées par la rationalisation du nombre d'implantations (relevant des services de soutien et d'entretien) et sur les postes supprimées dans cette fonction ne produisent le moindre effet financier. 

C'est pourquoi la Cour des comptes formulait, notamment, deux recommandations : déployer une comptabilité analytique adaptée dont l'expertise serait fournie par le maintenancier de chaque milieu (SSF pour la Marine) qui en assurerait la synthèse et mieux intégrer le MCO dès la conception des équipements en renforçant le rôle des maintenanciers au-delà de ce qui est prévu dans l'instruction de conduite des programmes d'armement 1516. 

En 2012, le budget de MCO représentait 6 milliards d'euros (contre 3,32 milliards d'euros en 2002) qui se répartissent comme suit : 
  • 53% (dont 15% pour la chasse) de la somme est dédiée aux matériels aéronautiques, 
  • 26% pour les matériels terrestres,
  • 21% pour les plateformes navales.
Dans cette perspective, il est à noter que le MCO de la Marine nationale est - en 2017 - de près de 1,56 milliard d'euros. La refonte à mi-vie du porte-avions Charles de Gaulle représente une opération extra-ordinaire de 1,3 milliards d'euros qui court sur, au moins, deux années. Le volume financier dédié aux autres plateformes se répartit entre :
  • 628 millions pour les navires de surface ;
  • 326 millions pour les sous-marins.
Le tableau suivant (cf. infra) n'a aucune prétention à être exact et contient, très probablement, un trop grand nombre d'erreurs. Il ne s'agit là que de proposer quelques ordres de grandeur. 
Il ressort de ce tableau que l'entretien est nettement plus lourd sur un sous-marin qu'un bâtiment de surface. Si bien que la disponibilité stratégique du bateau sous-marin est bien plus rigide que celle du bateau de surface. La propulsion nucléaire surface y tient une incidence certaine mais relative dans la mesure où le changement de combustible embarqué dans les cœurs permet d'espacer - depuis quelques années sur les Rubis - les rechargements de combustibles tous les dix ans.

© Inconnu.
Par ailleurs, il est aussi à relever que les gains sur les périodes pendant lequel le sous-marin est indisponible permet directement d'allonger la durée des missions pouvant être effectuées par chacun des deux équipages. A contrario, les gains engrangées pour les bâtiments de combat de surface profitent bien plus à la marge dans la mesure où ils ne bénéficient pas d'un deuxième équipage. Ils sont alors astreint au nombre de jours de mer moyen devant être effectué par chaque équipage qui est de 96 jours en 2017. En 2016, les dix équipages des cinq SNA 72 (Rubis) parvenaient à durer 1000 jours à la mer (soit 100 jours en moyenne par équipage). Sans deuxième équipage, les progrès réalisés sur les FREMM peuvent être difficilement exploités.

Mais cette disponibilité stratégique comporte, pour la flotte de surface, une réserve égale, au minimum, au nombre de jours de mer effectués. Cela permettrait une montée en puissance sur un théâtre d'opérations afin de compenser un nombre limité de frégates, par exemple. Sachant que l'exploitation de cette réserve est en prise directe avec les capacités de régénération et que la plateforme n'est pas sans limite. Cela amène à question quelles seraient les conséquences de l'emploi d'un deuxième équipage sur les FREMM vis-à-vis de l'usure des systèmes et équipements et qu'elle en serait l'incidence sur l'entretien programmé des matériels. La situation deviendrait-elle comparable à celle des SNA ? Ces derniers semblent exploités de manière optimale mais sans marge de manœuvre en cas de besoin ponctuel et franchement accru de présence sous-marine.

    Classes


Cycles
F70

Classe Georges Leygues

Classe Cassard
FREMM

Classe Aquitaine

Classe Alsace
SNA

Classe Rubis

SNA-NG

Classe Suffren


Bateaux
Georges Leygues
(1979 - 2013)
Dupleix
(1981 - 2015)
Montcalm
(1982 - 2017)
Jean de Vienne
 (1984 - 2018)
Primauguet
(1986 - 2020
La Motte-Picquet
(1988 - 2022)
Latouche-Tréville
(1990 - 2022)

Cassard
(1988 - 2021)
Jean Bart
(1991 - 2022)
Aquitaine
(2015 - 2045)
Provence
(2016 - 2046)
Languedoc
(2017 - 2047)
Auvergne
(2017 - 2047)
Bretagne
(2018 - 2048)
Normandie
(2019 - 2049)



Alsace
(2021 - 2025)
Lorraine
(2022 - 2052)
Rubis
(1983 - 2019)
Saphir
(1984 - 2021)
Casabianca
(1987 - 2023)
Émeraude
(1988 - 2025)
Améthyste
(1992 - 2062)
Perle
(1993 - 2029)




Turquoise
                      
Diamant          
Suffren               (2019 - 2054)
Duguay-Trouin  (2021 - 2056)
Tourville        (2023 - 2058)
De Grasse        (2025 - 2060)
Casabianca      (2027 - 2062)
Rubis                (2029 - 2064)
Arrêts Techniques Intermédiaires
(ATI)

ATI
1,75 à 2 mois
18 mois

UMP 1
1 mois
Tous les 6 mois

1 ATI
1,25 mois
Tous les 5 mois

1 ATI
1,25 mois
Tous les 5 mois (?)
Arrêts Techniques (AT)
/
Indisponibilités pour Entretien (IE)


1 AT
2 à 3 mois
Tous les 36 mois


1 UMP 2
2 mois
Tous les 42 mois


1 AT
5 mois
Tous les 42 mois


1 AT
5 mois
Tous les 42 mois
Arrêts
Techniques
Majeurs
(ATM)

1 ATM
4 à 5 mois
Tous les 60 à 72 mois

UMP 3
5 mois
Tous les 120 mois

1 ATM
16 mois
Tous les 84 mois

1 ATM
16 mois
Tous les 120 mois (?)
Temps total en maintenance
sur 360 mois
9 ATI
4 AT
4 ATM

50 mois
d’indisponibilité

51 UMP 1
6 UMP 2
2 UMP3

73 mois
d’indisponibilité

64 ATI
8 AT
4 ATM

184 mois
d’indisponibilité

60 EC
6 AT
3 ATM

159 mois
d’indisponibilité

Coûts d'un bâtiment de combat : projections sur 30 ans

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© Marine nationale. L'Aquitaine dans le bassin n°9 (Brest) avant la MECO.
Deux grands postes de dépenses constituent des lignes budgétaires, au moins, aussi importantes que celles dédiées aux conceptions et constructions des bateaux. La première est constituée par l'indisponibilité des plateformes navales en raison de leur nécessaire immobilisation pour Maintien en Condition Opérationnelle (MCO). La deuxième est matérialisée par l'équipage qui arme le bateau et qui peut, lui seul, lui donner sa pleine mesure opérationnelle.





Coût Unitaire de Production (CPU)


Coût TTC (R&D comprise)


Tonnage

Coût
EPM
(2014)


MCO
sur
30 ans


Classe
La Fayette


190


 ?

3600

6,98

209,4

Frégate de
Taille
Intermédiaire


450

800

4250

      13,5 (?)

       405 (?)

Classe Aquitaine


500


1000

6000

13,5

405
Tableau 1 - Coûts du MCO naval pour les classes La Fayette, Aquitaine et les FTI.
Toutes les données financières sont exprimées en millions d’euros.

Le MCO de la Marine nationale est - en 2017 - de près de 1,56 milliard d'euros. Le volume financier dédié aux autres plateformes se répartit entre 628 millions pour les navires de surface et 326 millions pour les sous-marins. 
Le tableau 1 (ci-dessus) n'a pas la prétention de toucher à l'exactitude mais - ni plus, ni moins - de proposer des ordres de grandeur afin de comprendre le volume financier nécessairement consenti pour entretenir une force navale dans un état opérationnel aussi fidèlement proche que possible de la capacité opérationnelle initiale. 
Pour le détail, les données proposées pour les FREMM et FTI sont celles versées au débat public, notamment lors de l'introduction de la FTI dans la programmation. Par contre, le coût proposé pour une frégate de La La Fayette est obtenue par extrapolation avec le coût d'une unité de la classe Formidable, convertie en euros de 2016 en tenant compte de l'inflation. C'est, forcément, loin d'être fidèle à la vérité mais... le résultat reflète assez bien le bateau français sur le plan financier, malgré ce cheminement paradoxale. En tous les cas, cela ne perturbe pas la projection financière.
Dans cette perspective, il est bien difficile de déterminer si l'Entretien Programmé des Matériels (EPM) comprend ou non les dépenses consenties pour les modernisations incrémentales ou très circonstanciées à un Arrêt Technique Majeur (ATM) particulier. En ce sens, il est bon de rappeler que la refonte à mi-vie du porte-avions Charles de Gaulle avoisine les 1300 millions d'euros et s'étale, au minimum, sur deux années budgétaires. C'est un exercice financier extra-ordinaire par rapport au budget MCO naval.


Néanmoins, l'adage de la Royale voulant qu'un navire est payé deux fois, c'est-à-dire une fois à l'achat et une autre fois pour l'entretien sur toute la durée du service actif, tend à se vérifier lourdement.




Coût Unitaire de Production (CPU)



Tonnage



Équipage

Coût
annuel
(millions d’euros)


Coût
sur
30 ans


Classe
La Fayette


190


3600

153


9,4

282

Frégate de
Taille
Intermédiaire


450

4250

110

9,4

282

Classe Aquitaine


500


6000

94


8

240

Tableau 2 - Coûts représentés par l'équipage pour les classes La Fayette, Aquitaine et les FTI.
Toutes les données financières sont exprimées en millions d’euros.

Le deuxième tableau prétend, toujours, à donner quelques ordres de grandeur quant au coût annuel représentépar l'équipage d'une frégate des classes La Fayette et Aquitaine ainsi que de celui d'une FTI. Le coût de l'équipage d'une La Fayette est obtenu par extrapolation avec celui d'une F70 : pure décision arbitraire car il nous apparaissait que la structure de l'équipage sur FLF demeurait plus proche d'une F70 alors qu'une FREMM représente un saut beaucoup plus important. Raisons pour lesquelles le coût d'un équipage d'une FTI est extrapolé de celui d'une FREMM car il y a une légère inflexion par rapport aux choix réalisés pour les FREMM mais aucune rupture.




Coût Unitaire de Production (CPU)



Tonnage



Équipage

Coût
équipage
sur
30 ans


MCO
sur
30 ans


MCO
+
Équipage

Classe
La Fayette


190


3600

153


282

  209,4

  491,4

Frégate de
Taille
Intermédiaire


450

4250

110

282

   405 (?)

687

Classe Aquitaine


500


6000

94


240

405

645
Tableau 3 - Coûts MCO + Équipage sur 30 ans pour les classes La Fayette, Aquitaine et les FTI.
Toutes les données financières sont exprimées en millions d’euros.

Il apparaît très nettement que les deux postes de dépenses identifiés (cf. supra)correspondent à un volume financier nettement supérieur au troisième poste correspondant lui aux coûts unitaires de production. Toutefois, les dépenses matérialisées par le MCO et l'équipage (tableaux 1 et 2) sont moins importantes que les sommes consenties pour les programmes, c'est-à-dire le coût de production multiplié par le nombre des unités à acquérir additionné aux frais d'études et d'essais des bateaux et des grands systèmes. Par exemple, si le coût MCO + équipage sur 30 ans pour une Aquitaine est de 645 millions d'euros, il est toujours, néanmoins, inférieur au coût d'une FREMM "TTC" (dont la R&D) qui est de 1000 millions d'euros.

Autre remarque, et ce n'est pas la moindre de toutes celles exprimées, il apparaît de manière éclatante un découplage presque total entre le MCO + équipage sur 30 ans et le tonnage d'une frégate. Il était déjà relativement évident dans la comparaison entre une FREMM et une FTI que le coût unitaire de production n'était différent que de seulement 50 millions d'euros pour 1000 à 1500 tonnes en moins pour la FTI. S'il y a peu de risques de se tromper en affirmant que les coûts de fonctionnement d'une FTI seront excessivement proches de ceux d'une FREMM il est, toutefois, plus étonnant de dégager que le coût MCO + équipage sur 30 ans d'une La Fayette n'est différent que d'environ 153 millions d'euros. Le tonnage est presque le double entre les classes La Fayette et Aquitaine tandis que la complexité des systèmes d'armes embarqués est sans commune mesure entre ces frégates de premier et deuxième rang.

Cela revient à dire que les qualités nautiques et opérationnelles d'une frégate des premier et deuxième rang demeurent une part variable relativement mineure vis-à-vis des coûts fixes correspondants au fonctionnement d'un bâtiment de combat sur 30 années. Les projections financières seront à affiner quand les différents postes des FTI seront connus. Si les rationalités comptables ne correspondent pas souvent à celles de la productivité tactique ou aux impératifs d'une posture stratégique dominé par le temps long face à la dictature de l'annualité budgétaire, le calcul initial du programme FREMM n'était pas irrationnel pour autant : pour un coût unitaire de production affiché à 280 millions d'euros HT (~336 millions d'euros TTC - c'était, en réalité, le coût d'une FMM et non pas d'une FREMM) : cela revenait à souligner que la seule réduction de la taille de l'équipage - 150 millions économisés sur 30 ans - permettait de financier près de la moitié de la dépense.



Les Zumwalt, pièces maîtresses de trois SAC à dominante anti-navires ?

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© US Navy. L'USS Zumwalt (DDG-1000) marche en formation avec l'USS Independence (LCS-2) le 8 décembre 2016.
Une tribune (« Les destroyers Zumwalt, pièce maîtresse de trois nouveaux groupes navals ?», Revue Défense nationale, Tribune n°839, 4 novembre 2016) tentait de proposait un exercice prospectif quant au futur emploi des trois "destroyers" de la classe Zumwalt au sein de l'US Navy. Une année plus tard, les décisions d'abandon des programmes LRLAP et HVP diminuent drastiquement l'intérêt de la batterie principale des Zumwalt, optimisée autour de ses deux pièces d'artillerie. C'est pourquoi il serait question de les employer pour la lutte anti-navires, remettant au premier plan leur batterie secondaire. 

Les Zumwalt reviennent de très loin : ils sont le fruit des réflexions qui débutent avec le SC-21 (Surface Combatant for the 21st century), se précisent par le DD-21 (Destroyer for the 21st century) et s'achèvent avec la formalisation du DD(X), c'est-à-dire la classe Zumwalt. Des 30 unités espérées, seulement trois sont effectivement commandées, connaissant, là, un chemin budgétaire très similaire aux SNA de la classe Seawolf. Mais contrairement à d'autres programmes de la Transformation - ou non - ils ont le méritent d'exister, même s'ils sont confinés à l'exercice technologique et aux missions spéciales ou spécialisées. Les Zumwalt ne prendront pas la succession des Arleigh Burke. 

Il avait été envisagé initialement que les Zumwalt seraient les pièces-maîtresses de l'Action Vers la Terre (AVT) dans la bande littorale. La caractéristique majeure de la classe Zumwalt est le retour d’une batterie principale rassemblée autour de deux tourelles mono-tube de 155 mm. Douée d’une cadence de tir de 10 coups par minute et par pièce, pour 600 obus en soute, la salve ne peut se comparer qu’avec celle d’un porte-avions et de son groupe aérien embarqué. Deux pièces de 57 mm assurent la défense à courte portée. Cela n’est pas sans rappeler la répartition de l’artillerie des anciens cuirassés entre artilleries principale et secondaire. Le saut du 127 au 155 mm peut apparaître comme limité mais le développement du LRLAP (Long Range Land Attack Projectile) accroît la portée à 120 km, voire 140 km portée (contre une trentaine de kilomètres pour une pièce de 127). Il est envisagé d’intégrer un canon électromagnétique de près de 400 km de portée (deux fois la portée d’un MM40 Block III ou un peu moins de la moitié d’un Missile de croisière naval ou MdCN).

Mais les abandons, coup sur coup, de la munition pour les deux actuelles de 155 - le LRLAP (0,8 millions de dollars l'obus) - puis des recherches menées sur le prototype de canon électromagnétique (l'équivalent d'un programme d'études amont à hauteur d'un peu plus de 500 millions de dollars) et de la munition HVP (HyperVelocity Projectile) pour ce dernier réduisent à pratiquement rien la pertinence de la batterie principale qui avait été privilégiée par rapport à l'autre, classiquement constituée de silos verticaux. Le nombre de ces derniers avait été, en plus, réduit des 128 espérés à seulement 80 pour accroître les soutes à munitions des 155.

Tout ne repose plus que sur la deuxième batterie qui comprend 80 lanceurs verticaux qui peuvent recevoir toutes les munitions ensilotables de la marine américaine. Selon le Director of surface warfare (OPNAV N96), les trois Zumwalt seraient pensés dorénavant pour être employés, non plus dans les brown water, mais bien dans les blue water : c'est-à-dire dans les espaces plutôt océaniques. Le revirement doctrinal n'est pas total en ce sens qu'il s'agit toujours d'employer un certain nombre de ruptures technologiques afin de soustraire les trois bateaux à l'œil inquisiteur des systèmes A2AD mais non plus dans un contexte littoral mais bien océanique. 

Dans cette optique, et des rares mots prononcés au sujet de cette nouvelle hypothèse d'emploi opérationnel, c'est presque la description exacte de la manière dont pu être engagées les frégates La Fayette dans des exercices nationaux ou multinationaux : tirant parti de leur furtivité intrinsèque, jouant sur l'effet de surprise, une frégate de cette classe simulait le lancement d'une salve de missiles anti-navires sur une force navale découvrant trop tard que le si faible écho sur le radar dissimulait une frégate. Les Zumwalt pourraient prétendre à remplir le même rôle, en avant d'une force navale, déplaçant 13 000 tonnes de plus qu'une FLF pour la même mission.

La perte temporaire de la batterie limite la puissance offensive à 80 cellules, ce qui est toujours dix fois plus important que les huit missiles anti-navires des La Fayette. Il est très probable que les Zumwalt, dans un tel rôle anti-navires, reçoivent des AGM-158C LRASM (Long Range Anti-Ship Missile). Missile anti-navire furtif, il n'est doté actuellement que d'une portée de 300 km pour une vitesse subsonique. Une réduction de la charge militaire laisse entrevoir un possible accroissement de la portée de 300 à 1600 km. Il serait alors fortement en concurrence avec une nouvelle version anti-navire du Tomahawk, si jamais elle voyait effectivement le jour. L'emploi de munitions anti-aériennes complèteraient la dotation mais il ne s'agirait pas là d'une mission prioritaire, bien qu'il soit notable que les SM-6 ont une portée affichée à 250 km et soupçonnée à 500 km, notamment dans un emploi anti-navire. C'est pourquoi les Harpoon ne présenteraient que peu d'intérêt sur ces bateaux.

Mais il resterait à déterminer la manière d'organiser la productivité tactique optimale d'un SAC centré sur un Zumwalt avec un certain nombre d'autres navires : dont des Littoral Combat Ship (LCS) ? Les Zumwalt et LCS marcheraient ensemble à plus de 30 nœuds. Resterait à déterminer qui des bateaux ou qui des aéronefs et drones serait en mesure de débusquer les bâtiments adverses et de transmettre les éléments nécessaires pour ouvrir le feu.  

Les problématiques A2AD jaugent de la crédibilité des groupes navals pour monter en "première ligne" face aux munitions adverses ayant la plus forte allonge. S'il était possible d'obtenir un missile anti-navire d'environ 1600 km de portée alors l'attaque ferait presque jeu égal avec la défense. Et dans cette perspective, les Zumwalt constitueraient une résurgence des SAC (Surface Action Group) en plus des neuf CSG et des neuf ESG (Expeditionary Strike Groups) portant le total à 21 groupes navals.


"World Submarines : Covert Shores Recognition Guide" de H. I. Sutton et C. Edward Davis

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MM. H. I. Sutton et C. Edward Davis proposent World Submarines : Covert Shores Recognition Guide (2017), soit un guide d'identification des sous-marins actuellement en service de par le monde. Cet ouvrage aurait pu apparaître comme un guide aussi technique et aride qu'un annuaire naval. Mais, comme tout bon annuaire naval, il recèle de très précieuses informations dans le recensement effectué  et est un très rare outil pour reconnaître les sous-marins : une tâche assez ardue pour qui s'est déjà essayé à l'exercice.

Les deux auteurs sont de nationalité américaine :
 
Le premier est M. C. Edward Davis est un illustrateur - cette qualité rencontre l'objet de l'ouvrage ici présent - et auteur pour diverses agences gouvernementales. Son intérêt premier va pour la science-fiction, les univers "steampunk", les fictions aéronautiques et les uchronies. Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont, par exemple, The Voyage of the Lunar Schooner (C. Edward Davis et H. I. Sutton, Belanger Books, 2015) et Phantoms of the Skies : The Lost History of Aviation from Antiquity to the Wright Brothers (C. Edward Davis et J. Allan Danelek, Adventures Unlimited Press, 2011). 
 
Le deuxième est H. I. Sutton, ancien d'un service américain, aujourd'hui analyste et historien militaires, travaillant particulièrement sur les sources ouvertes (ROSO/OSINT) et illustrateur. Ses monographies, très régulièrement proposées sur son blog Covert shores, ont une audience et une influence notable. Il est l'auteur de Covert Shores: The Story of Naval Special Forces missions and minisubs (2016, 276 pages).

Ils viennent nous proposer ce guide d'identification des sous-marins militaires - hormis les plus petits midget et sous-marins de poche - depuis les plus petits sous-marins côtiers jusqu'à Sa Majesté l'Akula, dernier de son espèce. 80 de ces bateaux sont présentés. Et les auteurs classent les sous-marins selon le pays concepteur ou constructeur, précisant seulement en bas de la fiche les clients bénéficiaires d'une vente à l'exportation. Chaque fiche débute par la dénomination OTAN puis nationale. Fiche qui se compose d'un profil couleur puis d'une brève présentation de la classe ou de l'engin unique considéré. À cette première partie de la monographie succède un profil en noir et blanc du sous-marin en surface avec les traits caractéristiques à relever, permettant de distinguer ce bateau de tous les autres. Les caractéristiques nautiques et opérationnelles concluent chaque monographie.

L'appréciation de l'auteur, grand habitué des recherches fouillés sur les vaisseaux noirs - pour la plupart - n'omet aucun détail. Ainsi, il est à relever les dispositifs de détection non-acoustique présents sur les Trafalgar et les Akula I, II et III. Autres détails croustillants : il est toujours instructif de vérifier qui est réputé posséder une Antenne Linnéaire Remorquée (ALR), intégrée par un dispositif particulier à la coque hydrodynamique ou épaisse. Par contre, nos auteurs n'ont pas poussé le vice jusqu'à proposer le nombre de pâles de chaque propulseur : cela peut toujours servir... Plus généralement, il est aussi agréable de recenser les forces sous-marines qui se prémunissent des sonars ATBF via un revêtement anéchoïque sur toute ou partie des coques des bateaux.

Quelques remarques glanées, ici et là, méritent d'être relevées comme, par exemple que les Triomphant ont la réputation, selon H. I. Sutton et C. Edward Davis, d'être les sous-marins les plus coûteux au monde, devant les Seawolf. Par ailleurs, ils citent - ce qui n'est pas rien - la rumeur comme quoi la Chine aurait perdu corps et bien un deuxième SNLE de la classe Xia alors que le bateau éponyme est exemplaire unique en ce qui concerne le discours officiel.



SNLE/SSBN


SSGN/SSTN


SNOS/SSAN

SNA/SSN

Total

États-Unis


14 (12)

4 (14 – 18)

1

52 (35)

71

Russie


13 (5)

12 (8)

11 (1)

16 (1)

52

Chine


5 (4)

0

0

13

18

Royaume
-
Uni



4 (4)



0


0


6 (4)


10

France


4 (4)

0

0

6 (6)

10
Tableau 1 - Classe mondial des puissances sous-marines selon le nombre de bateaux à propulsion nucléaire. SNLE (Sous-marin Nucléaire Lanceur d'Engins) ; SSBN (Sub-Surface Ballistic Nuclear) ; SSGN (Ship Submersible Guided missile Nuclear) ; SSTN (Ship Submersible Torpedoe Nuclear) ; SNOS (Sous-marin Nucléaire pour Opérations Spéciales sous-marines) ; SSAN (Ship Submersible Auxiliary Nuclear) ; SNA (Sous-marin Nucléaire d'Attaque) et SSN (Ship Submersible Nuclear).

Par contre, il est regrettable de ne pas trouver les très riches infographies du blog Covert Shores qui offrent des vues en découpe et les principaux équipements (senseurs, armes, etc) des sous-marins. Tout comme certains détails manquent dans quelques monographies, tel le SN3G qui n'est pas cité, par exemple ou, dans le même registre, le projet de sous-marin classique Turquoise qui aurait pu être présenté, même en une ligne. Rien que le type Virginia mériterait quelques lignes en plus pour présenter la philosophie d'ensemble des sept blocks et les perspectives d'une série pouvant, à terme, devenir aussi nombreuse que les Los Angeles. Gageons que la prochaine édition sera encore plus étoffée et riche que celle-ci !

En tous les cas, il s'agit d'une guide très pratique pour aborder quotidiennement la diplomatie sous-marine des puissances dans les affaires mondiales. H. I. Sutton propose des exemplaires dédicacés afin de soutenir les familles des sous-mariniers de l'ARA San Juan de la marine argentine.

Les Europe navales : quelles perspectives pour l'utilisation diplomatique de la Flotte ?

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© Anton Balazh.
Quelle est la première marine européenne ? La question est simple mais la réponse ne peut qu'être complexe. Ravir la place de première force navale européenne est une potentielle source de prestige dont peut découler un certain capital politique. Sur le plan géopolitique, il ne s'agit pas d'"une" mais bien des Europe. C'est pourquoi est repris, ici, le concept d'"Europe en cercles concentriques" non pas pour désigner une quelconque réforme de l'Union européenne mais bien différentes organisations internationales qui ne reposent pas sur le même espace géographique, tout en ayant le continent européen en partage. Horizon qui permet de souligner que la Marine nationale ne sera la première marine d'"Europe" que dans un seul de ces cercles et, pour rayonner plus en avant, n'a que deux solutions à sa disposition dont une seule est viable : l'expansion budgétaire et la création de forces navales bi- ou trilatérales.

Sur le plan géopolitique, il y aurait plusieurs Europe qui comptent :
  • L'Union européenne (1951) ; 
  • L'OTAN (1949) ;
  • L'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe - 1973).
Le premier de ces trois cercles est l'Union européenne. Espace dans lequel la Marine nationale aurait pu prétendre à ravir la place à la Royal navy pour le premier tiers du XXIe siècle. Les choix effectués en 2008 provoquaient une réduction sensible du tonnage de la Royale là, où, elle aurait pu largement dépasser le tonnage de 1990 (339 000 tonnes) la Flotte n'aurait pas déplacé 281 000 mais 444 000 tonnes en 2016 grâce à l'appoint de 163 000 tonnes de constructions neuves. Cet effort représentait de très raisonnables tranches navales de 20 000 tonnes par rapport aux objectifs des redressement (plan naval de 1952) puis restauration navale (plan naval de 1972) de tranches annuelles de plus de 30 000 tonnes. Entre parenthèses, ce tonnage correspondait bel et bien à un renouvellement des bateaux consécutifs à des besoins régulièrement identifiés par le politique dans trois livres blancs et un plan naval.

La Royal Navy, sur la même période ne régressait "que" de 70 000 tonnes en venant de 476 à 407 000 tonnes. Sous la pression des financiers, elle ne réduisait pas de manière homogène la voilure mais procédait à des abandons de capacité ciblée sur l'aviation de patrouille maritime, le combat naval et l'aviation embarquée sur porte-aéronefs. La sortie, effective, du Royaume-Uni de l'Union européenne, en 2019, modifiera le classement naval dans l'Union.
 


Union
européenne

Tonnage
(2016)


Flottes
(2017)

 
Royaume - Uni



407 000 tonnes


  • 6 unités amphibies 
  •  4 SNLE
  • 6 SNA
  • 19 frégates



France



281 000 tonnes


  • 1 porte-avions
  • 3 porte-hélicoptères d’assaut amphibie 
  • 4 SNLE
  • 6 SNA
  • 17 frégates


Italie


125 000 tonnes


  • 2 porte-aéronefs
  • 3 TCD
  • 6 sous-marins
  • 18 frégates


Espagne


87 000 tonnes


  • 1 porte-aéronefs
  • 2 TCD
  • 6 sous-marins
  • 11 frégates

Allemagne

61 000 tonnes


  • 5 sous-marins
  • 10 frégates

Tableau 1 - Classement des cinq premières de l'Union européenne. Sources : Flottes de combat 2016, Word Naval Review 2017 et World Submarines : Covert Shores Recognition Guide.

Le cadre otanien est particulièrement dans la mesure où l'Alliance atlantique s'est, dans un premier temps, construite autour d'une construction géopolitique essentiellement maritime et faisait la part belle, dans les problématiques géostratégiques, à quelques hypothèses d'engagement dont une sorte de nouvelle "bataille de l'Atlantique". La montée en puissance des sous-marins dans la marine soviétique accréditait, tout du moins, cette menace.

En outre, l'OTAN permet de reconsidérer furieusement les prétentions françaises puisque dans un certain nombre de capitales et partis européens, l'alliance est l'échelon le plus pertinent pour débattre de la sécurité européenne et y produire les arrangements les plus utiles. Ici, la première marine de toute l'alliance est l'US Navy sans la moindre possibilité de contestation. La deuxième est la Royal navy et les deux marines sont très liées par un certain nombre de partenariats et coopérations. Le tableau suivant ne suppose pas que toute la marine américaine soit concentrée dans l'Atlantique Nord mais bien qu'elle est entièrement concernée par les engagements contractés par Washington.
 


OTAN

Tonnage
(2016)


Flottes
(2017)




États-Unis





3 000 0000 tonnes

  • 10 porte-avions
  • 9 LHD/LHA
  • 31 unités amphibies
  • 14 SNLE
  • 4 SSGN
  • 1 SNOS
  • 52 SNA
  • 22 croiseurs
  • 63 destroyers
  • 7 frégates



Royaume-Uni




407 000 tonnes

  • 6 unités amphibies
  • 4 SNLE
  • 6 SNA
  • 19 frégates



France




281 000 tonnes

  • 1 porte-avions
  • 3 porte-hélicoptères d’assaut amphibie
  • 4 SNLE
  • 6 SNA
  • 17 frégates



Italie



125 000 tonnes

  • 2 porte-aéronefs
  • 3 TCD
  • 6 sous-marins
  • 18 frégates


Turquie



102 000 tonnes

  • 13 sous-marins
  • 16 frégates
Tableau 2 - Classement des cinq premières marines de l'OTAN. Sources : Flottes de combat 2016, Word Naval Review 2017 et World Submarines : Covert Shores Recognition Guide.

En l'occurrence, l'investissement diplomatique français dans les structures otaniennes est moins faible que dans les structures de l'Union européenne depuis que l'UEO a périclité. La grande aventure française en la matière aura été de tenter d'obtenir le commandement Sud de l'Alliance atlantique (voir à ce sujet : Olivier KEMPF, L'OTAN au XXIe siècle - La transformation d'un héritage, Monaco, Éditions du Rocher, 2014 (2010), 614 pages). Ce commandement revient traditionnellement, revient à un officier américain possédant la double-casquette de commandant également la VIe flotte. Le Président Jacques Chirac tente d'échanger le retour de la France dans le commandement intégré contre une nouvelle organisation de l'OTAN : première tentative avec un "super-SACEUR" s'occupant des affaires euratlantiques avec un adjoint atlantique et un adjoint européen (du pilier européen dans l'Alliance ?), deuxième tentative avec le commandement Sud (Ibid., pp. 160-163).

La concentration méditerranée de la Marine nationale découle de deux postulats : le premier, par la charte de Portal (1820), était que la Marine nationale cessait de concurrencer et de contester la prééminence de la Royal Navy, puis de la première marine mondiale en général. Le deuxième était que, en raison de la servitude de la stratégie navale à la stratégie générale, l'impératif premier en mer était le maintien des liaisons avec l'Empire et tout particulièrement avec l'Afrique du Nord pour le transport des troupes nécessaire à la tenue du choc puis du front au Nord ou à l'Est et le soutien de l'effort de guerre par les ressources de l'Empire. Cette concentration n'a pratiquement pas évolué depuis le XIXe siècle. Mais là, où, la Marine nationale pouvait constituer la première force navale méditerranéenne, les choses sont moins évidentes depuis le réinvestissement de l'ancien lac otanien par l'US Navy. La mise en service d'un deuxième porte-avions assurerait la première place pour les premier et deuxième tiers du XXIe siècle.



Méditerranée

Tonnage
(2016)


Flottes
(2017)





États-Unis






209 100 tonnes


Forces permanentes (56 000 tonnes)
  • 1 navire de commandement
  • 4 destroyers

Forces ponctuelles (153 100 tonnes)
  • 1 CVN
  • 2 SNA
  • 1 croiseur
  • 3 destroyers




France





182 000 tonnes


  • 1 porte-avions
  • 3 porte-hélicoptères d’assaut amphibie
  • 6 SNA
  • 13 frégates



Italie



125 000 tonnes

  • 2 porte-aéronefs
  • 3 TCD
  • 6 sous-marins
  • 18 frégates


Turquie



102 000 tonnes

  • 13 sous-marins
  • 16 frégates

Grèce


64 000 tonnes
  • 11 sous-marins
  • 13 destroyers et frégates
Tableau 3 - Classement des cinq premières marines de la mer Méditerranée. Sources : Flottes de combat 2016, Word Naval Review 2017 et World Submarines : Covert Shores Recognition Guide.

Enfin, l'OSCE est une organisation au rôle éminemment économique et aux tâches sécuritaires bien plus modestes. Toutefois, cela permet de dépasser les cadres de l'Union européenne et de l'OTAN pour bien considérer que la France n'en est pas le membre naval le plus important ni même le Royaume-Uni, même en demeurant dans un cadre géographique strictement européen. C'est peut-être trop élargir la question que d'intégrer à ce classement les États-partenaires de l'OSCE mais c'est assez révélateur d'un impensé français que de tout résumer à un duel franco-britannique qui n'a plus lieu d'être.




OSCE

Tonnage
(2016)


Flottes
(2017)





États-Unis






3 000 000 tonnes

  • 10 porte-avions
  • 9 LHD/LHA
  • 31 unités amphibies
  • 14 SNLE
  • 4 SSGN
  • 1 SNOS
  • 52 SNA
  • 22 croiseurs
  • 63 destroyers
  • 7 frégates





Russie






1 150 000 tonnes

  • 1 porte-aéronefs
  • 13 SNLE
  • 12 SSGN
  • 11 SNOS
  • 16 SNA
  • 21 sous-marins classiques
  • 4 croiseurs
  • 14 destroyers
  • 12 frégates



Royaume-Uni




407 000 tonnes

  • 6 unités amphibies
  • 4 SNLE
  • 6 SNA
  • 19 frégates



Japon




403 000 tonnes

  • 4 porte-hélicoptères
  • 3 TCD
  • 17 sous-marins
  • 37 destroyers et frégates

 


France





281 000 tonnes

  • 1 porte-avions
  • 3 porte-hélicoptères d’assaut amphibie
  • 4 SNLE
  • 6 SNA
  • 17 frégates
Tableau 4 - Classement des cinq premières marines de l'OSCE en comptant les États-partenaires. Sources : Flottes de combat 2016, Word Naval Review 2017 et World Submarines : Covert Shores Recognition Guide.

L'ensemble des cercles concentriques amène à considérer quelques questions touchant à l'investissement diplomatico-militaire de l'outil naval dans les projets stratégiques français. Par exemple, la Royal Navy bénéficie toujours du Two-Powers Standard face aux deux premières marines suivantes de l'Union européenne (407 000 tonnes contre 281 000 à la France et 124 000 à l'Italie) mais se doit d'être associée étroitement à l'US Navy pour contre-balancer le poids de la marine russe. Du côté français, la Marine nationale bénéficie elle d'un Three-Powers Standard (281 000 contre 124 000 à l'Italie et 60 000 à l'Allemagne) dans le cadre de l'Union européenne et participe à une sorte de one thousand ships navy avec l'US Navy. Dans cette optique, le CJEF (688 000 tonnes) est le pivot naval entre les Nord et Sud de l'Union européenne navale.Une liaison avec les marines du Portugal, de l'Espagne et d'Italie (234 000 tonnes) autour d'une plus grande Marine nationale (515 000 tonnes) rééquilibrerait cette Europe centrée sur "la plus grande Royal Navy" (806 000 tonnes).

La question n'est pas de savoir qui sera la première force navale de l'Union européenne mais bien ce que la France peut espérer retirer de ce titre pour construire un ou plusieurs groupes navals avec ses voisins dans la perspective d'un projet géopolitique afin de renforcer ses positions diplomatiques dans l'OTAN et vis-à-vis des grandes marines de l'hémisphère Nord dont celles de l'OSCE.
 

"À bord du Charles de Gaulle" de Benjamin Decoin et Cyril Hofstein

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Le photographe Benjamin Decoin (régulièrement embarqué à bord des bateaux de la Royale) et le grand reporter Cyril Hofstein (Figaro magazine, a commencé au Chasse-Marée) proposent un nouveau reportage photographique commenté et ramassé sous la forme d'un livre : À bord du Charles de Gaulle (Paris, Éditions Duchêne EPA, 2017, 192 pages). Si l'exercice n'est pas fondamentalement nouveau, il se révèle d'une très grande qualité, tout en renouvelant le genre. Par ailleurs, l'ouvrage bénéficiera d'une présentation officielle par la maire de Paris, Anne Hidalgo, et l'Amiral Prazuck, à la mairie de Paris le jeudi 14 décembre (évènement ouvert à la presse). 

Les deux auteurs remercient vivement les personnes ayant permis la réalisation du reportage et donc la production de l'ouvrage dont nous pouvons citer l'Amiral Prazuck, l'ancien commandant du porte-avions Charles de Gaulle, le capitaine de vaisseau Éric Malbrunot (31 juillet 2015 - 28 juillet 2017) - remplacé par le capitaine de vaisseau Marc-Antoine de Saint-Germain) et le pacha du SIRPA Marine, le capitaine de vaisseau Bertrand Dumoulin. 

Justement, l'Amiral Prazuck, en tant que Chef d'État-Major de la Marine nationale (CEMM), et la maire de Paris, Mme Anne Hidalgo, au titre de ville-marraine, signent tous les deux une préface à l'ouvrage où ils se félicitent des 16 années à la mer du porte-avions et sa mise en œuvre satisfaisante grâce aux efforts continus produits par l'équipage.

Reportage qui semble intervenir au cours du premier semestre de l'année 2017 lors de la mission Arromanche 3 (septembre - décembre 2016) ou bien de suite après. Ce sont les premiers mois du porte-avions Charles de Gaulle au tout Rafale depuis son admission au service actif (2001) mais les dernières semaines d'opérations avant qu'il ne regagne Toulon afin de se préparer à l'ATM (Arrêt Technique Majeur) n°2 qui est synonyme de refonte à mi-vie pour un coût de l'ordre des 1,3 milliards d'euros. Cure de jouvence bien nécessaire pour un bateau régulièrement engagé depuis 16 ans dans des opérations soutenues dont les missions les plus notables sont Héraclès (décembre 2001 - juillet 2002), Agapanthe (2002 - 2011), Harmattan (mars 2011) et Arromanches (janvier 2015 - décembre 2016).

Dans un premier temps, l'effort des deux auteurs pour s'approprier l'ensemble des thématiques aéronavales est à saluer. Un des détails qui illustrent assez bien cette volonté de s'immerger totalement dans le fait aéronaval est l'absence permanente de tirets inutiles dans porte-avions Charles de Gaulle. Plus largement, les différences entre les filières ADAV/C (STOVL), STOBAR et CATOBAR sont rappelés tout au long de l'ouvrage, avec force de pédagogie et aux moments les plus idoines. Certaines anecdotes sont très instructives, notamment celle au sujet de l'origine du nom du "Pedro", l'hélicoptère dédié à la sûreté des vols qui peut à tout moment effectuer une mission de sauvetage. C'est pourquoi il est excusable car très surprenant de trouver une ou deux coquilles alors que la matière est plutôt sublimée de la première à la dernière page.

Le reportage est très didactique et débute par l'arrivée sur le bateau de l'un des directeurs du pont d'envol. De là, le champ s'élargit progressivement grâce aux deux auteurs pour découvrir au fur et à mesure les opérations aériennes, la mise en œuvre des catapultes, le soutien des aéronefs à bord, etc... Peu à peu, le lecteur s'immerge dans l'ambiance à bord et s'enfonce progressivement au fil des coursives dans le porte-avions. Il conserve son surnom de "sous-marins de surface" qui avait été popularisé dès les premiers reportages réalisés à bord pendant l'opération Héraclès (décembre 2001 - juillet 2002) et qui ne se dément toujours pas 16 années plus tard. C'est pourquoi la passerelle Poséïdon revêt une telle importance pour les marins, l'un des très rares, si ce n'est pratiquement le seul - hormis pendant les jours à la mer sans opérations aériennes -, endroit du Charles de Gaulle pour sortir la tête du bord et admirez l'océan. Presque un comble en surface. 

Il serait bien difficile de ne pas dire un mot sur les clichés au sujet d'un reportage photographique. En l'espèce, la Marine nationale elle-même, via le SIRPA Marine et l'ECPAD, a progressivement relevé les exigences, de sorte que les photographies du porte-avions Charles de Gaulle le mettaient sans cesse plus en valeur jusqu'aux remarquables clichés des années 2014-2017. Et pourtant, Benjamin Decoin parvient à relever le défi et repousser, encore une fois, les limites du genre. Le bateau est magnifique et retranscrit via des angles peu ou pas utilisés depuis 2001. La double-page (p. 8) est sublime tandis que le cliché (p. 91) d'un bateau de 42 500 tonnes sur une mer d'huile paraît irréel. Le noir et blanc, égrené sur une partie des clichés, sied très bien au PAN dont la très belle double-page (pp. 184-185) où l'on se plaît à imaginer un montage photographique avec un cuirassé ou un ancien porte-avions, l'absence de couleur abolissant les âges.

Mais la plus grande force du reportage-photographique tient dans les portraits et instants volés à l'équipage qui est et demeure tout au long du livre le centre de l'attention des deux auteurs. Pour qui a pu monter à bord et/ou naviguer, les principaux postes de quart ressortent bien à l'image, tout comme les moments clefs d'une journée à la mer. Tout y passe : depuis la routine des quarts jusqu'à la délivrance d'être de nouveau à porter des ondes des réseaux de téléphonie mobile et donc de pouvoir reconnecter avec les proches sans oublier les enjeux ponctuels pour rendre disponible une machine, un système. 

Dans cette perspective, il est louable que les deux auteurs s'intéressent à la place des femmes dans la Marine nationale au cours de leur reportage. Les premières sous-marinières auraient ou vont embarquer à bord de SNLE. Le CEMM demande des aménagements pour faciliter la vie des familles, en particulier pour concilier, pour les femmes, l'engagement de servir à la mer avec une vie de famille. Ce qu'ils en retiennent, c'est que la présence de femmes à bord du porte-avions, et plus largement dans la Marine nationale, n'est plus un enjeu ni un objet de curiosité. "Mais en réalité, plus personne n'y prête vraiment attention. À bord du Charles de Gaulle, il n'y a que des marins." (p. 46)

Il serait difficile de reprocher quelque chose à ce beau livre dans la mesure cela se lit et se voit que les deux auteurs ont essayé de bout en bout de réinventer l'exercice et de s'approprier les problématiques aéronavales. Il y a très, très peu de coquilles. Il est possible de regretter qu'ils n'aient pas pu se rendre dans les entrailles jusqu'à la propulsion : c'était peut-être l'une des contraintes de l'exercice ou un choix de se concentrer plus longuement sur la mise en œuvre des aéronefs à la mer. Cela en devient l'objet central du livre, même, que de présenter la conduite des opérations aériennes depuis le porte-avions sous l'angle des marins qui s'occupent de préparer les aéronefs, les différents systèmes, de soutenir les autres marins et de mettre en cohérence la conduite nautique avec la conduite des opérations aériennes.

À bord du Charles de Gaulle s'achève par le retour à Toulon et le débute de la refonte à mi-vie (ATM n°2). Le porte-avions français ne retrouvera son élément qu'au milieu de l'année 2018... L'ouvrage est à un bel objet à lire et regarder...

"À bord du Charles de Gaulle" : présentation officielle à la mairie de Paris

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© DR.
Nous l'annoncions à la fin du préambule à notre fiche de lecture d'À bord du Charles de Gaulle (Paris, Éditions Duchêne EPA, 2017, 192 pages) : l'ouvrage a été présenté officiellement à la mairie de Paris le jeudi 14 décembre. C'était devant la Maire de Paris, Mme Anne Hidalgo, le Vice-Amiral d’Escadre Jean-Louis Lozier, représentant le Chef d’État-major de la Marine (CEMM), une délégation du porte-avions Charles de Gaulle, plusieurs associations, dont la Fondation Charles de Gaulle, de nombreux anciens commandants, dont l’Amiral Edouard Guillaud, ancien CEMA (Chef d'État-Major des Armées (25 février 2010 - 14 février 2014), l’Amiral Oudot de Dainville, ancien CEMM (15 juin 2005 - 4 février 2008) et les deux auteurs, le photographe Benjamin Decoin et le grand reporter Cyril Hofstein

Mme Hidalgo, maire de Paris, municipalité marraine du porte-avions Charles de Gaulle, a rappelé l’importance pour les parisiens de ce lien privilégié avec le porte-avions : un parrainage vivant et dynamique, qui permet à des jeunes écoliers de se rendre régulièrement à bord et de découvrir le porte-avions. Elle a rappelé son passage à bord, en mer, au cours duquel elle avait pu mesurer la force de l’esprit d’équipage à savoir ce sens du collectif, qui prime sur les intérêts de chacun. Elle a ensuite évoqué, avec émotion, la lettre, que l’équipage du porte-avions, lui a envoyé au moment où le Charles de Gaulle appareillait pour frapper Daech, quelques jours seulement après le Bataclan.

Rappelons que le PAN a été engagé au profit de l'opération Chammal (20 septembre 2014 - ...) depuis la mission Bois-Belleau (20 novembre 2013 - 18 février 2014) ainsi que les missions Arromanches 1 (janvier - mai 2015), 2 (novembre 2015 - mars 2016) et 3 (septembre 2016 - décembre 2016).

Comme l’a souligné, le Vice-Amiral d’Escadre Jean-Louis Lozier, représentant le CEMM, "ce livre nous permet de montrer les marins du Charles de Gaulle dans l’exercice de leurs fonctions et de leur vie à bord, marins qui, par leurs origines diverses et la variété des métiers qu’ils exercent, sont le reflet de la jeunesse actuelle : des "chiens jaunes" aux "bleus" et aux "boum", des pilotes aux détecteurs, artilleurs, navigateurs ou atomiciens, des boscos aux mécaniciens, informaticiens, marins-pompiers, fusiliers marins, des cuisiniers aux boulangers et infirmiers,….tous vivent, travaillent et se côtoient à bord du Charles de Gaulle avec la même passion au service de leur pays ; ils sont mis en valeur de façon remarquable dans ce bel ouvrage. Ce mélange de professionnalisme, de polyvalence, de diversité, mais aussi de fraternité transparait à chaque page de ce livre, et les auteurs ont su décrire tous les rouages de cette horloge de précision que constitue le Charles de Gaulle avec beaucoup de finesse et de talent."

© DR.
Le mot de la fin fut prononcé par les deux auteurs, Benjamin Decoin et Cyril Hofstein. Ils ont tous les deux embarqué à bord du porte-avions Charles de Gaulle et c’est en observant ces hommes et ces femmes se relayer à la tâche 24h sur 24 qu’ils ont eu l’idée d’écrire ce livre. Celui-ci est préfacé par Anne Hidalgo et l’Amiral Christophe Prazuck, CEMM. En s’adressant aux marins de la délégaton du PAN, Benjamin Decoin leur a dit "c’est votre livre" car la plus grande force de ce reportage-photographique qu'est À bord du Charles de Gaulle tient dans les portraits et instants volés à l'équipage qui est et demeure tout au long du livre le centre de l'attention des deux auteurs.

Le porte-avions Charles de Gaulle bénéficie actuellement d'une refonte à mi-vie au sein de la base navale de Toulon qui lui assurera une grande visite de tous ses équipements, toutes ses installations, l'optimisation de ses installations aéronautiques au profit du passage au "tout Rafale" et une modernisation d'ensemble pour maintenir le porte-avions aux défis opérationnels qu'il rencontrera jusqu'à l'ATM n°3 (2025).

La remontée en puissance des capacités opérationnelles se prépare activement car la Base AéroNavale (BAN) de Landivisiau a été, une nouvelle fois, transformé en porte-avions terrestre en décembre pour l'entraînement des personnels au sol tandis qu'un détachement du groupe aérien embarqué s'entraînera aux États-Unis en avril 2018. Le bateau retrouvera son élément mi-2018.

"Porte-avions, fleurons de la marine française" de Fabrice Gardel et Josselin Mahot

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© ECPAD / RMC Découverte. "Porte-avions, fleurons de la marine française".
La chaîne de télévision RMC Découverte (NextRadioTV) propose le documentaire (synopsis ci-dessous) "Porte-avions, fleurons de la marine française" de Fabrice Gardel et Josselin Mahot. Il s'agit d'une co-production entre la chaîne et l'ECPAD. La diffusion inédite ce jeudi 25 décembre à 20h45 intervient après l'avant-première d'hier soir au cinéma Les 3 Luxembourg (Paris), un évènement conjointement organisé par l'ECPAD et Galaxie.

"Des guerres coloniales aux théâtres des conflits modernes, le porte-avions s´est imposé au fil du temps comme le navire amiral par excellence. C´est l´histoire d´une incroyable dynastie qui dure depuis plus de 100 ans qui va être racontée pour la première fois. Ces navires toujours plus imposants et toujours plus puissants sont au coeur du dispositif de défense français. Considéré auparavant comme un navire accessoire, le porte-avions est désormais le centre de commandement de l´aéronavale tricolore. Il symbolise la puissance nucléaire de la France. Grâce aux témoignages d´historiens, de militaires mais aussi grâce à de captivantes archives, des cartes en mouvement et de la reconstitution 3D, ce documentaire offre un regard nouveau sur l´incroyable histoire des porte-avions français."

Le synopsis des 52 minutes du documentaire laissait augurer d'un programme dans la veine de l'ouvrage trop rarement cité de Francis Dousset : Les porte-avions français des origines (1911) à nos jours (Paris, Éditions de la Cité - Brest-Paris, 1978, 159 pages). 

Fabrice Gardel et Josselin Mahot débutent chronologiquement, notamment, par les essais et expérimentations menés autour de l'aviso Bapaume (1918 - 1936). Bateau de la classe Arras, il reçoit un pont d'envol, en 1920, permettant appontage et décollage d'un seul avion. Ainsi débutait la carrière de Paul Teste, fervant partisan du navire à pont d'envol continu pour avions à roue... Le Bapaume sert comme premier navire français porte-aéronefs jusqu'en 1924. Le plan naval de 1920 de Georges Leygues prévoyait deux porte-avions obtenus après l'achèvement en tant que tel des coques des cuirassés Béarn et Languedoc de la classe Normandie. 

Le porte-avions Béarn, finalement seule coque d'un des cuirassés de la classe Normandie à être achevée, comme porte-avions (25 000t, 183 m, ~40 aéronefs), est le très grand oublié de l'aéronavale française. Bénéficiaire de plusieurs refontes et modernisations, quelques uns de ses défauts en feront un médiocre porte-avions : trop lent tant pour marcher de conserve dans la ligne de file, trop lent pour lancer et récupérer des avions (à l'exemple des ascenseurs). Ses aéronefs sont rarement modernes, ayant souvent une génération de retard. La majeure partie des aéronefs, modernes, ou obsolètes mais suffisamment nombreux et éprouvés pour les opérations à la mer, n'arriveront que très tardivement, c'est-à-dire entre 1939 et 1940. 

Assez peu de choses - voire pratiquement rien - rien n'explique pourquoi, comme le demandait Alain Guillerm (La Marine de guerre moderne, 1915-2015, Paris, PUF, 1996, 127 pages), pourquoi la Marine nationale ne joignait pas le porte-avions Béarnà une division de cuirassés - les Lorraine (classe Bretagne), Courbet et Paris (classe Courbet) ? - marchant à la même vitesse afin de former un groupe aéronaval de deuxième ligne, permettant à la France de regagner une autonomie opérationnelle. 

Le documentaire embarque alors les spectateurs en pleine guerre d'Indochine (19 décembre 1946 – 1er août 1954). Il est souvent avancé, par exemple dans la thèse  publiée de Philippe Querel (Vers une marine atomique - La marine française (1945 - 1958), Bruxelles, Emile Bruylant, 1997, 454 pages), que l'intervention des porte-avions tant comme transport d'aviation que comme porte-avions amenait une grande plus-value aux opérations aéroterrestres. Ils s'affranchissent des pesanteurs des opérations terrestres, des grandes dimensions du théâtre et permettaient de concentrer rapidement ou durablement une grande quantité d'avions au plus près des opérations. L'Indochine avait un profil géostratégique relativement proche de la Libye de 2011, c'est-à-dire très littoral. 

C'est en tous les cas ce que retiendront les débats parlementaires des années 1950 où la classe politique française était tiraillée entre les priorités budgétaires gouvernementales, celles des forces armées et donc le rôle à donner à la Marine. La fin du prêt des porte-avions américains - Dixmude (1966), La Fayette (1963) et Bois Belleau (1960) et le besoin de disposer d'une force aéronavale projetable amenaient le Parlement à approuver les constructions des Clemenceau (PA54) et Foch (PA55) par le truchement des tranches navales 1954 et 1955. L'intervention franco-britannique lors de la crise de Suez (29 octobre 1956 – 7 novembre 1956) confirmait, outre le besoin de tels navires, les contraintes de disposer de ponts plats inaptes à opérer des aéronefs modernes, sous-entendu à réaction. Les porte-avions français demeuraient en retrait, faute de pouvoir s'opposer aux chasseurs égyptiens.

Par la suite, le documentaire dépeint la diplomatie du porte-avions française. Bien que le documentaire ne l'aborde pas, et c'est étonnant, cette diplomatie navale culmine avec la guerre du Golfe (2 août 1990 – 28 févr. 1991). Le porte-avions Clemenceau transporte les hélicoptères du 5e RHC (opération Salamandre). Cette mission demeure sujette à débat dans la mesure où le porte-avions est réduit, non pas à un rôle de porte-hélicoptères - ce qui était prévu en armement PA2 - mais bien de transport d'aviation, renvoyant une des deux unités alors encore moderne à un rôle qui aurait du disparaître avec le porte-avions Béarn

Pourquoi ne pas avoir engagé un des deux porte-avions français dans le Golfe Persique ? Quelques éléments amènent à croire que ce serait en raison des limitations opérationnelles du groupe aéronaval. Par exemple, les intercepteurs français embarqués auraient montré bien des limites lors de l'opération Capselle (août 1989 - janvier 1990). Aussi, l'intervention française en 1990-1991 était assez difficile à mettre en place en raison de l'hésitation présidentielle initiale à s'engager puis à la tension gouvernementale qui s'ensuivit dans la mise sur pied de l'opération Daguet. Ce n'est pas sans rappeler l'intervention en Afghanistan avec une lente montée en puissance. 

Aussi, le documentaire permettra d'écouter trois anciens commandants du porte-avions Charles de Gaulle dont l'Amiral Richard Wilmot Roussel (premier commandant du porte-avions Charles de Gaulle (2001 - 2040) à qui nous devons de nombreux livres ou interventions. Citons, tout particulièrement, Le porte-avions Charles-de-Gaulle aux éditions Spe Barthelemy dont le troisième tome, paru en 2016, couvre les 15 premières années opérationnelles du bateau.

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